Qu’est-ce l’Open Innovation

Une contribution au dictionnaire filmé du management par la FNEGE

L’open innovation désigne un processus d’innovation déconfiné où l’innovation dépasse les frontières organisationnelles et où les flux d’innovation, de connaissances, de brevets, d’idées nouvelles entre l’externe et l’interne sont gérés de manière volontaire. C’est ce caractère volontaire tout autant que les possibilités nouvelles offertes par l’Open Innovation qui font que ce paradigme est relativement nouveau : le terme a été forgé en 2003 par Henry Chesbrough

Une analyse du CPO survey Deloitte 2021

L’étude annuelle de Deloitte auprès des directeurs achats reste un must en matière de baromètre de la fonction achats et de son évolution. En s’intéressant à un étage constant de la population achats et en lui offrant l’anonymat de ses citations, elle propose une qualité de données couplées à des analyses qui permettent de s’étalonner au-delà des effets de mode. Par exemple, quand elle présente l’intérêt croissant des achats pour la digitalisation, elle ne manque pas d’identifier l’importance des freins que sont la qualité des données ou le manque d’implication des parties-prenantes « seniors ».

Le cru de 2021 nous propose un regard sur les achats post-covid dans un contexte encore marqué par les impacts positifs ou négatifs de la crise. Certains ont connu une explosion de la demande (la vente en ligne), d’autres un déclin fort (les voyages), d’autres encore des évolutions de consommation (agroalimentaire frais). Si la maîtrise et la réduction des coûts reste cette année encore le maître-mot des achats, l’inscription de la fonction dans un monde volatile et complexe vient accroître sa zone d’influence.

Cela passe d’abord par une gestion accrue des risques fournisseurs et d’approvisionnements – avec une plus grande étendue des thématiques « risquées » : rupture d’approvisionnement, qualité, cybersécurité, corruption, image de marque… Ensuite, la digitalisation continue de croître, aux achats mais aussi chez les fournisseurs. Ce qui offre aux premiers la possibilité de pouvoir (enfin) délivrer une valeur nouvelle à leurs organisations. La transformation digitale est ainsi une priorité qui a significativement cru par rapport à une ère pré-covid : 20% vs. 2019. Cela a été également le cas pour la participation à la politique RSE de l’organisation : 22%.

Par ailleurs, l’étude souligne que cette importance accrue de la place des achats dans les différentes facettes de leurs organisations conduit à un accroissement du nombre de priorité et à l’accroissement de l’importance de ces priorités. Si elle ne s’interroge alors pas sur la faisabilité opérationnelle de la multiplication des priorités prioritaires, elle offre une mise en application des priorités à travers l’étude des indicateurs de performance utilisés par les directeurs achats, et leurs performances selon que leurs directions sont performantes ou non.

On découvre ainsi, sans surprise, que les premiers indicateurs de performance suivis sont la réduction des coûts, l’amélioration de la trésorerie, les risques, la satisfaction des clients internes et l’efficience des achats (la réduction du nombre d’acheteur). La RSE, l’innovation ou l’accélération de la mise sur le marché sont en queue de classement avec une absence de suivi qui va de 15% pour les meilleurs à près de 60% pour les moins performants de l’échantillon.

L’étude note ensuite que tout en continuant de délivrer des résultats financiers mesurables, les directeurs achats ont plus pris part au développement de leurs organisations : participation aux actions d’acquisitions ou de désinvestissement, planification budgétaire, outsourcing/offshoring… Pour autant il reste encore du travail pour être reconnu comme partie-prenante incontournable de l’innovation : 37% des achats étant rarement impliqué dans la stratégie digitale de leur organisation et 39% dans l’innovation.

Les consultants alertent également les directeurs/directrices achats sur leur manque d’attention prêté à l’ensemble des risques qu’ils devraient suivre, bien que le suivi des risques soit leur 6e priorité et qu’ils perçoivent à 70% que les risques ont augmenté. La crise Covid est venu focaliser la gestion des risques sur la continuité de la chaîne d’approvisionnement alors que leurs fournisseurs et leurs approvisionnements ont été majoritairement impactés : ruptures, faillites de fournisseurs, expéditions en urgence, problèmes de qualité… Ils sont ainsi amenés à suivre prioritairement ces risques et ceux liés à la performance économique des achats.

Et s’ils soulignent ensuite les risques liés à la complexité interne de leurs organisations et à la « fragmentation digitale », ceux qui vont au-delà de la gestion des fournisseurs de rang 1, qui portent sur la géopolitique et l’amont de la chaîne d’approvisionnement, ou même les risques liés à la RSE ne sont pas assez évalués et suivis. Cette faiblesse d’attention est en soit un risque pour la résilience future des chaînes d’approvisionnement dans lesquelles ils s’inscrivent.

Le cercle vertueux des achats…

Cette année un focus a été réalisé sur l’agilité des directeurs/directrices achats – l’agilité revenant ici à être en capacité de rapidement répondre aux évolutions et crises internes comme externes, et à transformer la fonction achats vers plus de valeurs tirées des ressources externes. Ce focus permet d’identifier les faits que les directeurs/directrices achats les plus agiles se révèlent meilleur(e)s encore dans leur capacité à influencer qualitativement leurs parties-prenantes internes que dans leur capacité à augmenter leur taux de couverture. Ils/elles sont les plus à même de mettre en place des projets de transformation digitale interne mais aussi de faire plus et mieux levier sur les ressources externes. L’étude confirme ainsi le cercle vertueux des achats : plus une direction achats est impliquée dans le développement de son entreprise – au-delà même des crises – plus elle délivre de valeur, et plus elle impliquée.

La recette de l’agilité des achats tiendrait dans la capacité à organiser des équipes multifonctionnelles, internes et externes, et à flexibiliser les ressources mobilisables, internes comme externes. Ce qui revient non seulement à mettre en place des outils et des processus qui le permette mais aussi à staffer les équipes achats. Se pose alors prioritairement la question de la gestion des talents – leur recrutement, leur formation, leur fidélisation, leur organisation… Cette gestion des talents recouvrent ici à la fois l’interne et l’externe. Les directions achats les plus agiles sont ainsi celles qui savent utiliser des talents externes spécialisés (sur du catégorie management, de la veille, de l’innovation, de la digitalisation…) et non pas ceux qui font appel à des « hommes-ressources ».

Les difficultés à gérer efficacement la flexibilité retrouvent ici les difficultés à gérer efficacement la digitalisation des achats : la transmission d’information, comme la propreté des données, s’avère difficile, l’intégration humaine comme digitale est aléatoire, et il est difficile d’élaborer un modèle qui s’inscrive dans la durée à la fois du fait des difficultés de l’organisation interne à s’adapter (nouvelle gestion de relations client-fournisseur plus complexes, réticences à s’appuyer sur l’externe…) mais aussi des fournisseurs à suivre les transformations nécessaires.

Soft et hard skills

Quant aux compétences internes qui sont demandées, il s’agit d’abord de compétences techniques : sourcing stratégique et category management (55%) et analyses de données (49%). Les compétences relationnelles et cognitives arrivent ensuite : sourcing/négociation (42%), gestion des partenaires (40%) et leadership (37%). Celles qui ont le plus besoin d’être travaillées sont aujourd’hui les compétences relatives à l’usage de données qui apparaissent comme les plus manquantes : être en capacité de les analyser, de les restituer et de convaincre sur cette base !

Ces compétences d’analyse et de restitution de données manquent dans les équipes achats mais aussi pour près de la moitié des directeurs/directrices achats interrogés. Quand elles sont présentes, elles s’accompagnent alors de dispositifs digitaux qui reflètent l’agilité des directeurs achats : outils d’analyse et de visualisation de données, robotisation des tâches (RPA) et pour les plus avancés logiciels d’analyse prédictive et d’intelligences artificiels pour extraire et/ou analyser les données. Ce qui leur permet déjà d’améliorer l’efficience (65%) et l’efficacité (50%) des processus mais aussi d’accroître leur agilité. Devant ce constat, nombre des directeurs/directrices achats sont prêts à investir, s’ils avaient un budget supplémentaire à investir !

En conclusion, la crise COVID a été un révélateur du potentiel des directions achats. Elle leur a permis de voir qu’il leur était parfois possible d’aller au-delà des barrières des processus, des indicateurs, voire même de l’état d’esprit des achats « à l’ancienne ». L’étude de Deloitte a révélé que l’agilité n’était pas un vain mot mais une vraie capacité stratégique des achats pour se transformer et transformer leur entreprise.

L’agilité des achats est une capacité qui est en train de se développer à travers un accroissement des investissements dans la formation des acheteurs (jusqu’à 2,4% du budget des achats pour les directions les plus performantes). Les formations alors privilégiées s’appuient sur des dispositifs qui reflètent cette agilité. Sont privilégiés les dispositifs qui combinent modèles standards, pour favoriser un déploiement à large échelle, et personnalisation sur les métiers, les contextes et les personnes à travers des combinaisons de formations et de coaching individuels par exemple.

C’est à ce prix, que les achats sont en passe de devenir un vrai partenaire stratégique : ses compétences, historique et nouvelles, lui permettent d’apporter des réponses à l’accroissement conjoint de la complexité des écosystèmes, des risques et de la demande pour de l’innovation.

Article publié par Décisions Achats

https://www.decision-achats.fr/Thematique/strategie-achats-1236/performance-2266/Breves/crise-Covid-ete-revelateur-potentiel-directions-achats-362617.htm

« Collaborer pour innover » reçoit le Prix de l’ouvrage Achat francophone 2020

Dans le cadre de la cérémonie de la « Plume des achats », la remise des prix littéraires dédiés à la fonction achats, le Prix de l’ouvrage Achat francophone 2020 a été attribué au livre « Collaborer pour innover – Le management stratégique des ressources externes »

Les Plumes des Achats récompense les meilleurs ouvrages de l’année dans le domaine des achats et de la Supply Chain. Il s’agit d’un rassemblement de quatre associations (ACA, ADRA, Club des Acheteurs IT & X-Achats) d’acheteurs et de Directeurs Achats autour d’un événement décernant des prix aux meilleurs ouvrages littéraires sur la fonction Achats. Le jury est composé d’un comité de lecture de 30 personnes alliant professionnels, enseignants et chercheurs. Il concerne des ouvrages francophones, anglophones et des mémoires.

« En nous appuyant sur les dernières analyses et bonnes pratiques observées sur le terrain et nos travaux de recherche sur l’Open Innovation et sur les Achats (dont un certain nombre de travaux du CRG-I3 et du CGS-I3), nous mettons en évidences les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Les meilleurs pages viennent étayer le contenu de mes enseignements tant en formation initiale qu’en formation continue à KEDGE Business School et au MAI, mais aussi mes appuis aux managers Achats-Innovation et Open Innovation avec qui je collabore… pour innover! »

Former les acheteurs aux compétences de demain… et d’aujourd’hui

Pensée analytique et innovation, capacité d’apprentissage, résolution de problèmes complexes forment les top 3 des compétences les plus demandées pour 2025 d’après le Forum Economique Mondial (Future of Jobs Survey 2020), la première et la troisième étaient déjà dans les plus demandées en 2018 (Future of Jobs Survey 2018).

Elles font parties du portefeuille de compétences que nous développons en formation continue auprès de nos apprenants du MAI Executive Education. Elles résument bien ce qui est attendu de la fonction Achats pour faire face à un monde volatile, incertain, complexe et ambigu : savoir répondre aux besoins d’aujourd’hui et accompagner ceux de demain dans la gestion des ressources externes. La compétence apprendre à apprendre est intrinsèquement dans leur démarche : en formation continue, la première épreuve est de savoir se remettre en posture d’apprendre.

Pour les deux autres compétences-clefs, la problématique dans les apprentissages et l’accompagnement de nos apprenants est de savoir bien doser l’équilibre entre leur apprendre à savoir répondre aux besoins d’aujourd’hui – ce qui fera qu’ils trouveront un métier ; et les managers Achats qui sortent de nos formations ont un remarquable taux d’emploi de 99% 6 mois après la formation – et savoir accompagner les transformations dans leurs organisations et dans leur profession. C’est la seule condition pour être performant dès leur prise de poste et pour les années qui suivent, comme managers des achats, directeurs des achats ou même pour créer le poste de gestionnaire des ressources externes. Aussi, à travers nos formations nous mobilisons deux pédagogies différenciées et pourtant intimement mêlées : une pédagogie classique répondant aux enjeux économiques du moment, et une pédagogie innovante pour adresser les enjeux de demain.

Des managers Achats performants

Classiquement nous travaillons sur les fondamentaux du manager des Achats. A travers des apports théoriques, de multiples études de cas, des simulations sur des cas formatés et des échanges autour des expériences des enseignants et des apprenants qui sont tous en activité pendant la formation. Chaque compétence du manager Achat est abordée successivement, depuis la capacité à savoir embrasser la « Big Picture » jusqu’à la décomposition des coûts, en passant par la gestion des contrats avec les fournisseurs.

La multiplication des exercices permet ici de générer des automatismes mais aussi de leur donner un langage d’acheteur. Ils peuvent ainsi non seulement gagner en performance dans leurs organisations face aux problèmes du quotidien, mais aussi libérer du temps pour faire face à l’imprévu.

Des managers Achats transformants

Et pour faire face à cet imprévu, nous leur proposons d’autres dispositifs. Agir face à l’incertain, au complexe, au volatile et à l’ambiguë s’apprend par l’action, collectivement comme individuellement. Il s’agit ici de mettre nos apprenants face à des problèmes qu’ils n’ont jamais rencontrés. D’abord sur une composante temps – en travaillant sur un exercice nouveau et balisé, mais à gérer dans l’urgence. Puis, ils sont appelés à se projeter dans un futur qui n’existe pas et pour lequel il n’existe pas de solutions, mais qui s’appuient sur des ressources existantes, internes comme externes. Tout en navigant dans le flou, ils identifient les limites des outils vus ailleurs. Ils y apprennent à fabriquer leurs propres outils, leurs propres bases de réflexion, et d’action.

Toute innovation ou transformation ne se faisant jamais seul, toutes ses approches se font en équipe et en lien avec des professionnels externes et les professeurs et intervenants du MAI. La socialisation est au cœur de la formation. La cohésion développée dans chaque promotion se prolonge dans les liens avec les alumnis. Savoir faire appel aux autres et savoir leur répondre présent est une autre source d’agilité apportée à travers le MAI, pendant la formation et après.

Des managers Achats ambidextres

Enfin, ces apprentissages multiples, à la fois cerveau droit et cerveau gauche, ne seraient rien sans la capacité de chacun de savoir distinguer ce qui relève du complexe ou du compliqué, du risque ou de l’incertain, de l’urgent ou du nécessaire. C’est ce qui permet de choisir le mode d’action adéquate. Aussi, une démarche réflexive permet d’identifier ses apprentissages, de les fixer et de faire le tri parmi ceux-ci, mais également de prendre conscience du plaisir qu’ils ont pris à apprendre pendant cette année au MAI.

Les Achats stratèges passent par l’innovation

Un échange avec Jean-Philippe Denis sur les nouveaux rôles des Achats dans les organisations, les nouveaux profils et leurs impacts sur la performance des organisations mais aussi des écosystèmes.

Une nouvelle facette de l’Open Innovation par les acheteurs. Des insights provenant de deux grands groupes et de leurs services Achats-Innovation. Ces éléments sont tirés d’une pratique de terrain de 7 ans mais aussi d’une prise de recul par la recherche.

Ils ont faits l’objet de 2 publications dans la Revue Française de Gestion :

L’achat-innovation, un acteur d’interface d’Open Innovation
Sihem Ben Mahmoud-Jouini, Romaric Servajean-Hilst, Agathe Gilain et Anne Dumas
Rev. Fr. Gest. 45, 282 (2019)

Communautés, paysages de pratique et identité professionnelle des managers hybrides — Le cas de l’acheteur-innovation
Sihem Ben Mahmoud-Jouini, Aurore Haas, Benjamin Lehiany et Romaric Servajean-Hilst
Rev. Fr. Gest. 46, 287 (2020)

Les communautés sont la clef pour s’ouvrir vers l’extérieur de l’entreprise

« Constituer une communauté de pratique en interne donne souvent la clé sur l’externe. Les collaborateurs qui ont le goût, l’appétence, l’envie pour l’innovation se nourrissent d’expertises très diverses. Ils échangent entre eux en interne, développant ainsi un réseau maison, mais sont aussi ouverts sur l’extérieur, collaborant avec des jeunes pousses, incubateurs, enseignants-chercheurs avec qui ils montent des chaires interentreprises, etc »

– extrait de mon entretien dans les Echos…

… qui raisonne avec l’article scientifique qui vient de paraître à la Revue Française de Gestion sur les communautés de pratique comme fondation de la construction de l’identité des nouveaux managers de l’Open Innovation :

https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2020/02/rfg00430/rfg00430.html

Collaborer pour innover

Mon livre « Collaborer pour innover – le management stratégique des ressources externes » vient de paraître aux Edition De Boeck Supérieur.

C’est un manuel pratique de gestion de l’innovation collaborative. Il met en évidence les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Avec mes co-auteurs, Hugues Poissonnier et Gustavo Pierangelini, nous y proposons des pistes et des solutions pour développer la capacité d’innovation des organisations – quelles que soient leurs tailles ou leurs secteurs – en apprenant à mieux collaborer avec ses partenaires.

En nous appuyant sur les dernières analyses et bonnes pratiques observées sur le terrain et nos travaux de recherche sur l’Open Innovation et sur les Achats, nous mettons en évidences les compétences individuelles, organisationnelles et inter-organisationnelles, ainsi que les principaux outils, qui permettent de mieux collaborer pour innover.

Nous abordons ainsi successivement, les modalités d’identification (le sourcing) de partenaires d’innovation, le management des relations de partenariat, les compétences et modalités d’organisation interne à chaque entreprise, les nouvelles compétences individuelles à développer et la conduite du changement à mener pour aller vers une innovation plus collaborative.

Le livre est disponible en librairie dans la vraie vie et en ligne – notamment ici  http://www.arbrealettres.com/9782807314849-collaborer-pour-innover-le-management-strategique-des-ressources-externes-romaric-servajean-hilst-hugues-poissonnier-gustavo-pierangelini/ ou  https://livre.fnac.com/a11559815/Romaric-Servajean-Hilst-Collaborer-pour-innover ou sur https://www.cultura.com/collaborer-pour-innover-9782807314849.html ou sur https://www.culture.leclerc/livre-u/savoirs-u/economie–entreprise-u/entreprise-u/management-u/collaborer-pour-innover–le-management-strategique-des-ressources-externes-9782807314849-pr  ou https://www.decitre.fr/livres/collaborer-pour-innover-9782807314849.html ou  https://lnkd.in/g-kQmYF 

 

Dehors – dedans, la place du manager Open Innovation

Pour un manager Open Innovation, il n’est pas une semaine qui offre de multiples opportunités d’un événement externe de rencontre avec des start-ups et autres organisations innovantes, d’ateliers d’échanges de bonnes pratiques, de concours de pitchs, de salons, de visites d’incubateurs… Si le risque de développer un alcoolisme mondain est avéré, se pose pour leurs managers la question de l’impact de leur participation à de tels événements.

MGM/courtesy Everett collection

Et quand bien même l’Open Innovation est un concept à la mode, et stratégiquement nécessaire pour nombre d’entreprises, la légitimité de ceux qui la pratiquent reste questionnée par leurs collègues, qui peuvent ne voir chez eux que ce côté « Open Innovation cocktail ».

Quelques études récentes apportent quelques réponses aux managers des managers Open Innovation. La première a été publiée dans la Harvard Business Review en juillet 2017. Elle s’est intéressée aux employés d’IBM parmi les plus productifs en terme de propriété intellectuelle. Cette étude a montré combien, pour qu’une personne innove, il fallait d’abord s’intéresser aux autres, et pas forcément uniquement à ceux de l’extérieur de son organisation. Elle montre d’abord que la principale source d’inspiration de ces innovateurs repose sur les idées de leurs collègues en interne plutôt que de leurs contacts en externe. Ensuite, elle montre que pour que ceux qui s’appuient le plus sur l’externe soient des innovateurs performants, il leur faut passer la moitié de leur temps à échanger avec l’interne. Aussi, un grand réseau externe ne suffit pas, il faut savoir le compléter par un réseau interne.

Ce travail vient renforcer les résultats de mes travaux et ceux de Felipe Monteiro sur les Managers Open Innovation. Nous montrons tout deux, avec des approches théoriques et des terrains différents, comment les Open Innovation managers (scouts dans son cas, Achats-Innovation dans le mien) favorisent l’absorption de l’Open Innovation captée par des échanges en tête à tête avec ceux qui en interne porteront les projets – et non pas à travers des outils informatiques qui sont des outils de productivité pour les tâches administratives.

En ligne avec les travaux de sociologie de l’innovation, le caractère social du processus d’innovation est aussi démontré dans l’Open Innovation : c’est avant tout une histoire d’hommes, à la fois en interne et à l’externe. Et si l’Open Innovation manager a pour rôle de capter l’innovation à l’externe, il a aussi pour rôle de faire en sorte que l’interne s’en empare.

La difficulté réside alors dans l’allocation de son temps. Et là l’étude HBR montre que de nombreuses personnes peuvent mal répartir leur temps en essayant d’étendre leurs réseaux externes sans consacrer le temps supplémentaire nécessaire pour vraiment apprendre comment ils peuvent tirer profit des idées qu’ils trouvent. Il faut donc répartir leur temps entre le réseautage en externe, le réseautage en interne, et prendre le temps également de réfléchir sur le moyen de mieux viser et diffuser l’innovation et les innovateurs, internes comme externes.

Ce besoin de temps se trouve traduit sous un autre angle, celui de l’autonomie, dans une autre étude très récente réalisée auprès de PME danoises. Celle-ci a montré qu’il n’était pas suffisant d’encourager les Open Innovation managers à s’engager avec des organisations externes mais qu’il fallait aussi leur garantir une autonomie certaine dans la définition et la réalisation de leurs tâches. L’impact de cette autonomie apparaît très clairement positif à la fois sur la capacité de leur entreprise à générer des produits innovants mais également à les vendre. Par ailleurs, cette étude montre également qu’il ne doit pas être question de trouver un juste milieu entre contrôle et autonomie pour obtenir des résultats, mais qu’il faut clairement choisir l’autonomie.

Alors, pour les managers des managers Open Innovation cela se traduit  par un accompagnement de ceux-ci afin de les aider à travailler sur leurs propres idées, par un octroi de temps suffisant pour faire preuve de créativité et par la possibilité d’amorcer des activités intrapreneuriales avec des acteurs internes de l’innovation.

Leur laisser du temps libre cela doit se traduire par leur laisser le temps de découvrir et d’intégrer la stratégie de leur entreprise, de développer leur réseau en interne ; à la fois pour capter les besoins, explicites et latents, puis pour établir des connections entre ceux-ci et les savoirs externes, et en parallèle pour développer des opportunités nouvelles issues des rencontres entre l’externe, l’interne et l’imagination du manager Open Innovation.

Le papillonnage des Open Innovation managers est donc nécessaire, même s’il doit rester orienté vers la création de valeur pour son organisation. Pour le manager encadrant, cela nécessite donc à la fois d’accepter d’octroyer une grande liberté à son Open Innovation manager mais aussi de véritablement l’accompagner et de l’aider à se repérer dans la jungle des opportunités de réseauter.

Chasser la start-up – un travail d’équipe

Les start-ups sont dans les écosystèmes des grands groupes une source importante de renouvellement, à la fois par les nouvelles technologies et manières de faire qu’elles expérimentent et par l’inspiration qu’elles génèrent pour les entreprises plus anciennes et établies. Les événements, annuaires et réseaux sociaux qui permettent de les croiser se multiplient, et dans les organisations les fonctions qui s’en occupent également, à commencer par les directions générales.

Afin que les premières rencontrent ne se bornent pas à un coup de communication ou au plaisir d’échanger des idées nouvelles et rafraîchissantes, il importe pour celui qui s’apprête à rencontrer une start-up de conserver à l’esprit que cette rencontre peut répondre à un besoin existant en interne mais également peut permettre d’imaginer de nouvelles solutions pour des besoins latents comme des opportunités de différentiation non encore identifiées. Ensuite, comme en innovation où un projet sur cent aboutit à un résultat concrets, il faut rencontrer beaucoup de start-ups pour espérer voir naître un projet de collaboration – de 2 à 10% de ces rencontres aboutissent.

Les annuaires de start-ups comme les appels à projets ciblés (via du crowdsourcing ou bien des concours lancés dans des écosystèmes spécialisés) sont particulièrement utiles lorsque le besoin est relativement identifié : un cahier des charges fonctionnels existe. Un passage en revue des différentes start-ups pouvant répondre est alors adéquate. La difficulté repose alors d’une part sur l’identification des différentes sources à contacter, d’autre part sur le fait qu’il faille en contacter beaucoup plus que pour un appel d’offre classique où les fournisseurs ont des capacités mieux identifiables et vérifiables. Des intermédiaires d’innovation – plateformes internet comme individus introduits dans les différents écosystèmes innovants – peuvent à ce moment révélés efficients pour cette identification et ce premier tri. Leur rôle consistera alors à accompagner le demandeur dans la reformulation de ses besoins et la rédaction de son cahier des charges (ce qui est le signe qu’il connaît son métier).

Enfin, du fait de la capacité des start-ups à pitcher, donc du fait du potentiel de séduction de leur technologie/business model et donc des difficultés à évaluer leur capacité véritable, la recherche de start-ups est plus encore enrichissante lorsqu’elle implique des fonctions variées. En allant chasser ensemble la start-up, elles apprennent à connaître leurs besoins et état d’esprit respectifs tout en pouvant évaluer plus efficacement les start-ups croisées ; leur organisation y gagne en efficience immédiate pour leur innovation collaborative mais également en potentiel d’innovation via l’interne grâce à cet échange de vue inter-fonctions.

Partager le gâteau de l’Open Innovation


Dans un projet d’Open Innovation, au moment de définir les règles de partage du gâteau de l’innovation collaborative, le point d’achoppement le plus courant est celui de la propriété intellectuelle. Un grand nombre de potentielles collaborations ne démarre pas pour ne pas avoir su répondre à cette question de la propriété intellectuelle. Souvent d’ailleurs pour avoir été traitée sous un angle purement juridique.

La plupart des travaux de recherche en gestion comme les rapports de consultants s’intéressent à cette répartition mais ils s’arrêtent au partage de la propriété industrielle, des brevets et droits afférents. Aussi, ils sont rarement opérant au jour de négocier un contrat de co-innovation.

En abordant la question du partage du gâteau sous un angle « Achats », il est possible de trouver des solutions. L’angle « Achats » peut être résumé à une orientation vers la partie « business » de l’Open Innovation. Il permet d’opérer un glissement depuis une réflexion centrée sur l’innovation en soit vers une réflexion orienté vers la création puis le partage de la valeur générée en commun, plutôt qu’uniquement de la propriété intellectuelle. Les Achats permettent d’aller au-delà des bornes du projet d’innovation.

Il ne s’agit alors pas uniquement de partager les résultats obtenus ensemble mais aussi de rémunérer les efforts du fournisseur, de s’assurer sa coopération, voire le responsabiliser sur la mise en œuvre de l’innovation, tout en limitant les dépenses du client. Dans un premier temps, l’acheteur va regarder comment il s’assure de la bonne coopération du fournisseur : est-il en capacité de coopérer ? veut-il coopérer ? et si un autre client se présente, conserva-t-il ses efforts sur le projet collaboratif ?

Ces questions se posent pour l’ensemble des coopérations, mais elles sont plus encore importantes dans le cadre d’une relation grand groupe – start-up, alors que cette dernière peut à la fois avoir des ressources limitées, tout en pouvant devenir très attractives pour d’autres entreprises (parfois des concurrents). En fonction des réponses, les incitations à coopérer peuvent se faire sous diverses formes depuis la rémunération directe des efforts du fournisseur jusqu’à la promesse de gains futurs, généralement sous conditions.

Elles peuvent aussi consister à laisser au fournisseur la possibilité de vendre l’innovation à d’autres clients, après une période d’exclusivité s’ils sont concurrents. C’est alors à ce moment que se pose la question de la propriété intellectuelle – seulement à ce moment – et alors il est plus simple d’y répondre. Alors, il s’agit de considérer que la propriété intellectuelle ne s’arrête pas à un brevet, mais également à tout l’arsenal qui vient avec – les licences, les royalties… les territoires géographiques et sectoriels concernés, les frais de maintenance et de défense….

Une relation de confiance au premier regard

Dans le cadre du Lab Pareto, think do tank dont l’objectif est la création d’emplois à travers de meilleures relations grand groupe – PME, nous avons réalisé un guide à l’usage des futurs clients/fournisseurs : il s’agit de lister les grands thèmes à aborder lors du premier échange formel dans l’optique de construire une relation équilibrée.

Ce vademecum a été construit afin de ne pas oublier les éléments qui font que deux entreprises sont capables d’échanger de manière constructive. L’idée centrale est qu’en sortant de l’entretien, chacun soit en capacité de comprendre l’autre, ses objectifs et son fonctionnement.  A travers cette compréhension, il s’agit de pouvoir enclencher 3 mécanismes qui fondent la confiance :

  • la connaissance de l’autre et à la reconnaissance de ses compétences managériales et techniques,
  • des normes communes, un langage partagé
  • un calcul de (ses) intérêts (positifs ou négatifs) à s’engager dans une relation d’affaires / d’innovation

La version pdf du « kit de confiance » est téléchargeable sur le site de la Médiation des relations inter-entreprises. Ce kit a été réalisé avec la Médiation, la CDAF, le CJD et l’UGAP.

Les Achats peuvent être la clef pour des partenariats réussis avec les start-ups

Les Acheteurs se trouvent de plus en plus confrontés à la nécessité d’aller au-delà des classiques, à aller chercher des nouvelles opportunités au-delà de leur panel, de leurs marchés familiers. Cela veut parfois dire qu’il leur faut se tourner vers des start-ups! Celles-ci ne sont pas seulement présentes dans la presse et auprès des directions générales. Elles prennent une part croissante dans l’évolution des grandes (et des moins grandes) entreprises.

Dans des collaborations qui restent compliquées entre start-ups et grands groupes, les acheteurs peuvent apporter une contribution positive, pour les uns comme pour les
autres. Cette contribution peut/devrait pouvoir se faire à toutes les étapes de la collaboration.

Dans ce rapport de l’Observatoire de la Création de Valeur de l’EIPM, Hervé Legenvre et moi-même nous appuyons sur nos travaux et sur un atelier de travail menés avec une cinquantaine de managers et directeurs Achats pour proposer des voies pour que les Achats facilitent le succès des coopérations start-ups – grands groupes.

Il peut être téléchargé ici : Partnering with Start-ups.

 

Un éclairage théorique (et synthétique) sur la confiance dans les relations inter-entreprises

La notion de confiance est au cœur des travaux académiques sur les relations inter-entreprises et sur leurs dynamiques. Elle est considérée comme un composant essentiel des relations d’Open Innovation (Lindegaard, 2011), une des conditions du succès des alliances (Parkhe 1998). Elle a un rôle central, positif et évolutif dans les relations client-fournisseur (Donada and Nogatchewsky 2007). La confiance (trust) existe quand une partie est certaine (has confidence) de la fiabilité et de l’intégrité de son partenaire d’échange (Morgan and Hunt 1994).

La confiance a été identifiée sous différentes formes :

  • la confiance relative à la connaissance de l’autre et à la reconnaissance de ses compétences managériales et techniques (Sako 1992),
  • la confiance fondée sur des normes communes,
  • la confiance issue d’un calcul de (ses) intérêts (positifs ou négatifs)…

Elle peut s’entendre à la fois au niveau inter-organisationnel et au niveau interpersonnel. Ces 2 types de confiance sont construits à part entière mais sont étroitement dépendants ce qui explique qu’il est difficile de les séparer même si elles n’interviennent pas de la même manière dans la gestion de la relation (Zaheer, McEvily, and Perrone 1998). Ainsi, si la confiance interpersonnelle a pour vertu de faciliter la coordination entre les personnels d’une dyade et de permettre l’obtention de résultats supérieurs à ce qui ne pourrait jamais être obtenu sans elle (McAllister 1995), elle présente aussi le risque spécifique de collusion entre les représentants du personnel des deux parties aux dépens de leurs organisations respectives : en privilégiant leur lien interpersonnel à l’intérêt de la relation inter-organisations, ceux-là demeurent parfaitement loyaux entre eux (Frechet 2004)

En suivant (Zaheer, McEvily, and Perrone 1998, 143), la confiance inter-entreprises repose sur les attentes de l’un vis-à-vis de l’autre, à savoir :

  1. Qu’il puisse compter sur lui pour remplir ses obligations,
  2. Qu’il se comportera d’une manière prédictible, et
  3. Qu’il agit et négocie honnêtement (fairly) quand il a l’occasion de se comporter de manière opportuniste.

Cette définition souligne la possibilité de trahison de la part d’une des deux parties devant une perspective de gain supérieure (Nooteboom 1999). La confiance limite ainsi les risques d’opportunisme sans jamais l’éliminer. Elle est un « acte de foi » dans le sens où il s’agit de croire que l’autre est digne de confiance avec soi, sans pouvoir jamais en être assuré (Zaheer, McEvily, and Perrone 1998).

La confiance se construit dans un processus interactif fondé sur la réciprocité. Elle influence les comportements des parties prenantes dans leurs actions présentes et dans leurs manières d’envisager et d’engager le futur (Arrow 1971). En abaissant la perception des incertitudes dans la relation (Nooteboom, Berger, and Noorderhaven 1997), l’établissement puis le développement de la confiance conduit à une réduction des conflits et à une facilitation des échanges inter-entreprises.

La confiance permet ainsi d’augmenter les engagements réciproques (Morgan and Hunt 1994) mais aussi les échanges de données confidentielles entre partenaires sur les marchés et les technologies (Håkansson and IMP Project Group 1982) tout en limitant les risques de divulgation de celles-ci. Cette facilitation des échanges favorise les apprentissages croisés entre clients et fournisseurs.

La confiance améliore également l’efficience de la supply chain (Zhang, Viswanathan, and Henke Jr. 2011; MacDuffie and Helper 2006; Zaheer, McEvily, and Perrone 1998) et l’efficacité des ressources utilisées, notamment par la réduction des coûts de transaction liés aux échanges (Zaheer, McEvily, and Perrone 1998). Elle se traduit par davantage de coopération, d’action jointe, de coordination, d’implication des partenaires d’acceptation de normes relationnelles : partage d’informations, résolution harmonieuse des conflits, meilleure communication… Unanimement, toutes les études quantitatives sur les relations inter-entreprises valident l’influence positive de la confiance sur la performance des partenaires (Donada and Nogatchewsky 2007).


Ce billet de blog est extrait de ma thèse “Approche relationnelle de la coopération verticale d’innovation – facteurs de performance de la coopération client-fournisseur en innovation.”, thèse de doctorat de l’Ecole polytechnique en Sciences en Sciences économiques et sociales, spécialité Gestion, Palaiseau, France, 2015.