Pour être compétitif, il faut de la confiance, plus encore que des subventions

Jusqu’en 2022, 100 milliards d’euros d’argent public seront engagés dans le cadre du plan de relance. Les objectifs sont la modernisation de l’industrie, le développement de sa compétitivité, la relocalisation… S’il va dans le bon sens, le plan laisse de côté un point essentiel, ne pouvant être résolu par l’injection ponctuelle d’argent public : celui de la confiance.

Depuis 2019, les litiges qui concernent les ruptures abusives de contrat et les retards de paiement ont pourtant explosé. Plus de la moitié des factures sont payées en France en retard ! Ces litiges touchent le plus souvent des PME en relation avec des grands groupes et ont des effets désastreux. Ainsi, les retards de paiement augmentent les probabilités de défaillance d’un tiers et les défaillances induites sont la cause de 50 000 pertes d’emploi chaque année. Quand 1 jour de paiement en avance des factures représente 1 milliard d’euros, le plan de relance devrait s’attacher à bâtir une vision d’un avenir commun et confiant au sein des filières industrielles en France.

La valeur de l’écosystème France repose dans la force des liens entre ses parties-prenantes et dans la capacité des PME à pouvoir faire confiance à leurs clients et fournisseurs. La confiance implique de pouvoir compter sur son partenaire d’affaires pour agir honnêtement, même quand il a un prétexte pour ne pas le faire. C’est sur cette base qu’il est possible d’investir, d’embaucher, de se développer.

En 2011, le rapport Retailleau soulignait que la France manquait d’un tissu de confiance favorisant des écosystèmes collaboratifs et de régulation des mauvais comportements des achats publics et des grandes entreprises. Depuis, des mesures incitatives ont été mises en place. Un service de « Médiation des entreprises » est organisé par Bercy pour trouver des solutions aux situations conflictuelles. Une charte puis un label « Relation Achats et Fournisseurs Responsables » ont été créés. En 12 ans, la charte a été signée par plus de 2 200 entreprises et grands services publics, et 67 ont été labellisés. Mais parmi ceux-ci, il n’y a que 10 entreprises du CAC 40, 1 ministère, 1 région et 1 département.

Des mesures coercitives sont aussi déployées. Les mauvais payeurs sont visés dans la loi Sapin 2 qui consacre le principe du « name-and-shame ». Leurs noms sont publiés par la DGCCRF ainsi que les montants des amendes qui leurs sont infligées. Depuis janvier 2022, s’ils font partie des 3 000 entreprises les mieux notées par la Banque de France, leur note est dégradée.

L’État doit aller plus loin. En s’engageant systématiquement dans des relations de confiance avec ses fournisseurs et ceux des entreprises dans lesquelles il est actionnaire et administrateur. En faisant appliquer la loi et en auditant et sanctionnant plus durement. En promouvant à une échelle étendue la logique d’intérêts communs plutôt que particuliers. En appliquant la théorie des biens communs aux plans de relance des filières soutenues à travers une gouvernance associée et partagée.

Le travail le plus important porte sur le « vivre ensemble au travail ». Il nécessite une posture entrepreneuriale d’humilité et d’empathie, et le respect de la parole donnée. Cela ne se fera pas sans une ré-interrogation de nos modèles d’entrepreneuriat et des relations client-fournisseur. Se joue alors toute la régulation des relations interpersonnelles par la confiance, véritable « pivot » du monde des affaires, plutôt que la surveillance des comportements déviants produits par la méfiance.

Vus les enjeux, les écoles de management doivent former les étudiants à cette forme de business. Il s’agit de promouvoir un monde des affaires plus efficace et durable reposant sur la confiance et non la maximisation des profits. Pour cela, les enseignants en management, qui forment les entrepreneurs, cadres et acheteurs de demain, doivent travailler au changement de mindsets. Il faut, cesser de viser le moins pire pour chacun et oser chercher le mieux pour tous !

Ce texte est la version soumise aux Echos de la tribune « Confiance et mauvais payeurs » parue dans l’édition du 20 mars 2020 – co-écrite avec Arnaud Lacan dans le cadre de l’appel à valorisation Revue Française de Gestion Némésis – une version longue intitulée « Le capital relationnel, première ressource pour la croissances des PME » a été publiée par le think tank Pace Escange

Une relation de confiance au premier regard

Dans le cadre du Lab Pareto, think do tank dont l’objectif est la création d’emplois à travers de meilleures relations grand groupe – PME, nous avons réalisé un guide à l’usage des futurs clients/fournisseurs : il s’agit de lister les grands thèmes à aborder lors du premier échange formel dans l’optique de construire une relation équilibrée.

Ce vademecum a été construit afin de ne pas oublier les éléments qui font que deux entreprises sont capables d’échanger de manière constructive. L’idée centrale est qu’en sortant de l’entretien, chacun soit en capacité de comprendre l’autre, ses objectifs et son fonctionnement.  A travers cette compréhension, il s’agit de pouvoir enclencher 3 mécanismes qui fondent la confiance :

  • la connaissance de l’autre et à la reconnaissance de ses compétences managériales et techniques,
  • des normes communes, un langage partagé
  • un calcul de (ses) intérêts (positifs ou négatifs) à s’engager dans une relation d’affaires / d’innovation

La version pdf du « kit de confiance » est téléchargeable sur le site de la Médiation des relations inter-entreprises. Ce kit a été réalisé avec la Médiation, la CDAF, le CJD et l’UGAP.

Les Achats peuvent être la clef pour des partenariats réussis avec les start-ups

Les Acheteurs se trouvent de plus en plus confrontés à la nécessité d’aller au-delà des classiques, à aller chercher des nouvelles opportunités au-delà de leur panel, de leurs marchés familiers. Cela veut parfois dire qu’il leur faut se tourner vers des start-ups! Celles-ci ne sont pas seulement présentes dans la presse et auprès des directions générales. Elles prennent une part croissante dans l’évolution des grandes (et des moins grandes) entreprises.

Dans des collaborations qui restent compliquées entre start-ups et grands groupes, les acheteurs peuvent apporter une contribution positive, pour les uns comme pour les
autres. Cette contribution peut/devrait pouvoir se faire à toutes les étapes de la collaboration.

Dans ce rapport de l’Observatoire de la Création de Valeur de l’EIPM, Hervé Legenvre et moi-même nous appuyons sur nos travaux et sur un atelier de travail menés avec une cinquantaine de managers et directeurs Achats pour proposer des voies pour que les Achats facilitent le succès des coopérations start-ups – grands groupes.

Il peut être téléchargé ici : Partnering with Start-ups.

 

Soutenance de thèse – résultats et contributions

ConclusionDe ces trois démarches et de leur confrontation, nous avons tiré plusieurs enseignements
dont nous vous livrons ici les principaux.
Notre première contribution est de proposer ce modèle conceptuel qui permet de décrire et d’analyser la coopération verticale d’innovation à la fois dans une perspective statique et dynamique.

Ce modèle est constitué de 4 éléments :

  1. Le premier élément est celui de la gouvernance de la dyade composé des contrats mis en place, des mécanismes de gestion inter et intra-entreprises, et des ressources humaines impliquées dans la coopération.
  2. Le second élément est celui de la performance de la relation qui se mesure à l’aune de l’efficacité et de l’efficience de la relation mais aussi de la proactivité de chaque entreprise. Nous formulons l’hypothèse que la gouvernance est liée à la performance de la relation.
  3. Le troisième élément est l’atmosphère de la relation. Cet atmosphère est constituée du niveau de confiance interentreprises, du niveau de familiarité entre elles et du niveau d’interdépendance entre le client et le fournisseur. Cela nous emmène à faire l’hypothèse que l’atmosphère de la relation est liée à sa gouvernance et qu’atmosphère et performance de la relation sont liées
  4. Le dernier élément est le projet d’innovation lui-même qui peut se décrire soit selon la maturité du projet, soit selon le type d’innovation, soit selon l’ampleur de l’innovation. Et, nous faisons l’hypothèse que chacune de ces natures de l’innovation est liée à la gouvernance.

A travers nos démarches quantitative et qualitative, nous avons validés ces liens entre les différents éléments du modèle et validé ainsi l’ensemble de nos hypothèses, à l’exclusion du lien entre la nature de l’innovation et la gouvernance et du lien entre l’ampleur de l’innovation et la gouvernance de la relation.

Une autre contribution est d’avoir identifié à travers notre étude au cœur d’une relation combien les différents éléments de la coopération pouvait varier au cours du temps, qu’il y avait des micro-cycles de vie de la relation. Cela nous conduit à deux enseignements.

Un premier enseignement théorique est d’étendre la prise en considération de la dynamique de la coopération d’innovation dès les tous premiers contacts entre le client et le fournisseur sur le projet d’innovation. Traditionnellement, la relation est considérée à partir du moment où la coopération est fixée, majoritairement par un accord contractuel. Or, dès ces premiers contacts, dans la phase d’appel d’offres, la coopération est active, les éléments de la relation sont là et les savoirs sont échangés entre les entreprises. Cette implication théorique a un impact pratique en signalant combien cette phase peut être aussi source de progrès de l’innovation – en innovation les fiançailles peuvent être aussi importantes que le mariage lui-même.

Un second enseignement tiré de l’analyse de cette trajectoire d’une coopération, qui se retrouve également dans notre approche quantitative, est la démonstration de la complémentarité entre mécanismes de contrôle et confiance. Nous avons en effet pu identifier combien dans une approche dynamique dès qu’il y a une baisse de la confiance, des dispositifs de contrôle sont mis en place qui permettent de recouvrer de la confiance. Ces résultats sont corroborés par notre approche statique et statistique où les atmosphères avec les plus hauts niveaux de confiance sont liées aux configurations de gouvernance présentant le plus de dispositifs de contrôle, et vice-versa.

Enfin, une autre contribution importante de nos travaux est la description du rôle des Achats-Innovation, une fonction en pleine émergence, dans la dynamique d’une coopération d’innovation. Nous avons ainsi pu identifier combien il jouait dans ce contexte un rôle double. Tout d’abord, dans la phase de sélection du fournisseur et d’élaboration d’un cahier des charges sur un objet de coopération innovant, dont les spécifications techniques comme fonctionnelles sont émergentes, il joue un rôle d’alignement en interne et en externe autour de l’objet de coopération. Ensuite, une fois le contrat passé, il sort, ou est sorti, de la relation. Son rôle se borne alors à venir résoudre les problèmes liés à la relation. Sa position de marginal-sécant lui permet alors à la fois de concilier les différentes logiques, innovation et supply chain, et de faciliter leur intégration au sein de l’entreprise cliente et de la relation. En amont il mobilise les ressources nécessaires, outils et experts, et en les adaptant à la situation. En aval, il intervient dans la relation avec le rôle du « bad cop », laissant aux ingénieurs le rôle du « good cop » afin que lui résolve les problèmes quand eux vont conserver des échanges de qualité sur l’innovation conjointe avec les ingénieurs du fournisseur.

Nous avons conclu notre présentation par la proposition de 3 pistes pour améliorer les coopérations verticales d’innovation, dans les entreprises :

  • Mettre en place une fonction Achats-Innovation afin de faciliter l’intégration des logiques Achats et Innovation,
  • Considérer les apports de la phase de sélection du fournisseur sur un projet afin d’améliorer la capacité d’innovation en coopération,
  • Adapter la gouvernance de la coopération d’innovation suivant  l’atmosphère de la relation client-fournisseur et suivant la maturité du projet d’innovation pour pouvoir optimiser la performance de la relation.

Les rapporteurs et les suffragants ont présenté leurs rapports, avis et questions. Des réponses ont été apportées. Le jury s’est retiré et a rendu son verdict.

Soutenance de thèse – enjeux et méthodes

Ma thèse s’intitule « Approche relationnelle de la coopération verticale d’innovation – facteurs de performance de la relation client-fournisseur en innovation ». Dans ce post et le suivant, je livre ce qui a été présenté au jury et au public ayant assisté à sa soutenance.

La thèse

Cette thèse vient répondre à des besoins très largement partagés dans le monde de l’entreprise. Rappelons tout d’abord que depuis une trentaine d’années le rythme de l’innovation a explosé alors que les ressources disponibles se font de plus en plus rares. Les entreprises innovent de moins en moins seules. Elles chassent de plus en plus en meute. Parmi ces meutes, la plus courante est la coopération entre un client et fournisseur. Pourtant, cette coopération pose de nombreux problèmes et tout particulièrement celui de l’intégration entre les logiques liées à l’innovation et les logiques liées à la relation client-fournisseur, à la fois au sein de chaque entreprise mais également entre elles. Une question reste posée pour la très grande majorité des entreprises, à savoir comment gérer la coopération client-fournisseur en innovation ? et, bien entendu, comment la rendre performante ?

Deux grands courants académiques s’intéressent aujourd’hui à ce problème de gestion. Un courant récent est celui de l’Open Innovation. L’autre, plus ancien, et dont le CRG est un grand contributeur, est celui de l’implication des fournisseurs dans les projets de développement de produits nouveaux. Chacun vient éclairer cette problématique via son prisme respectif. Le premier s’intéresse avant tout à la question des flux de savoirs entre entreprises, avec un niveau d’analyse stratégique. Le second se focalise sur le projet, avec un niveau d’analyse plus organisationnel. Tous deux soulignent combien la relation est importante pour la réussite de la coopération.

Pour autant, ce point reste à creuser et a été identifié comme tel.

Les recommandations des dernières revues de littérature, mais également d’articles-clefs moins récents, sont alors d’aborder cette question du management de la coopération verticale d’innovation en :

  • Prenant compte à la fois le management inter et intra-entreprise (Takeishi, 2001 ; Lakhani et al., 2013 ; Säfsten et al., 2014 ; Melander et Lakemond, 2015 ; West et Bogers, 2014),
  • Allant au-delà des frontières du projet pour s’intéresser aussi à la relation client-fournisseur (Midler et al., 1997 ; Wynstra et al., 2003 ; Calvi et Le Dain, 2013 ; Rosell et al., 2014 ; Vanhaverbeke et al., 2014),
  • Considérant la dynamique de la coopération (Segrestin,  2003 ; Maniak, 2009 ; Lakemond, 2014 ; Ylimäki, 2014).

Aussi, nous avons choisi de chercher à répondre à la question de recherche suivante :

  • Quelles sont les interactions et les dynamiques au sein d’une coopération client-fournisseur en innovation qui permettent d’expliquer la performance de la relation ?

Pour y répondre, nous avons choisi d’opter pour plusieurs sources de données et approches méthodologiques. Nous nous sommes également reposé sur 3 approches théoriques complémentaires :

Approches théoriques mobilisées dans la thèse

D’abord, nous avons bâti un modèle conceptuel en confrontant littérature académique et entretiens avec des managers impliqués dans des coopérations d’innovation, à la fois des clients, des fournisseurs, des institutions et des clusters d’entreprises. Puis, en parallèle nous avons mené une démarche quantitative auprès d’entreprises fournisseurs et une démarche inspirée de l’ethnographie auprès d’une entreprise cliente.

La première démarche nous a amené à élaborer un modèle conceptuel pour répondre au besoin qu’il y avait de pouvoir appréhender la coopération verticale d’innovation en prenant compte à la fois les questions liées à l’innovation et à la relation client-fournisseur.

La seconde démarche nous a permis de tester statistiquement ce modèle en nous appuyant sur des échelles de mesure éprouvées. Elle repose sur une enquête par questionnaire auprès de 160 fournisseurs et sur des tests statistiques. Cette démarche a permis (1) de valider statistiquement notre modèle et (2) de pouvoir décrire le fonctionnement des coopérations client-fournisseur en innovation. Cela nous permet d’appréhender comment elles sont managées, en fonction de maturité de l’innovation et de l’atmosphère de la relation, et pour quelle performance.

La troisième démarche d’inspiration ethnographique a consisté à participer à une relation d’innovation pendant 20 mois en tant qu’Acheteur-Innovation et à observer le déroulé de cette relation de ce point de vue. Dans un second temps, il s’est agi de reprendre l’ensemble des données collectées sur le terrain, de narrer cette histoire de la relation puis de l’analyser à travers notre modèle conceptuel.

L’Open Innovation, une question d’affinités

A l’occasion d’une conférence donnée à SciencesPo sur l’Open Innovation et la Propriété Intellectuelle avec Pierre Breesé, Sylvain Allano et Séverine Dusollier, j’ai eu l’occasion de présenter en quoi le plus important, à mon sens, dans l’Open Innovation n’était pas tant la PI mais plutôt la complémentarité des bases de savoirs et le business model de la coopération – montrant ainsi l’apport de la conceptualisation académique à la pratique de l’innovation collaborative. 

Le plus important dans l’Open Innovation n’est pas la PI mais la complémentarité des acteurs

En effet, pour pouvoir assimiler l’innovation qui vient d’ailleurs, il est nécessaire pour une entreprise de pouvoir se comprendre avec celle qui lui apporte cette innovation (ces savoirs nouveaux) autant au niveau technique qu’au niveau des interactions interpersonnelles. Il faut que ce savoir externe puisse être intégré correctement à ses activités de Recherche & Développement, puis à ses activités de Production (de biens comme de services).

Cette notion d’affinités entre partenaires d’Open Innovation est théoriquement abordée à travers la notion des alignements technologique, stratégique et relationnel du fournisseur avec le client (Emden, Calantone et Droge, 2006 ; Handfield et al., 1999). L’alignement technologique correspond à la capacité de l’apporteur de savoir externe à répondre aux problématiques de celui qui va le recevoir, à la complémentarité de leurs connaissances des marchés et de leurs ressources techniques, et à la proximité de leurs bases de savoir telle que nous l’expliquons dans notre post sur la question de la fidélité dans l’Open Innovation

L’alignement stratégique correspond à la congruence de leurs motivations, objectifs et visions stratégiques. Il repose également sur la position relative de chaque entreprise vis-à-vis de l’autre, de leur rapport de force – cela se traduit dans les outils de gestion des portefeuilles de fournisseurs et/ou de partenaires d’innovation.

Enfin, l’alignement relationnel correspond à la compatibilité de leur culture et à leur propension à s’adapter aux processus et changements de l’autre. Il correspond également à la capacité du client d’être attractif pour le fournisseur, ce qui suppose notamment d’être capable d’instaurer une relation de confiance.

Cela implique qu’il y ait tout d’abord un degré d’affinité minimum entre les 2 organisations engagées ensemble dans un projet d’Open Innovation. Cette complémentarité, en premier lieu technique, s’étend ensuite aux cultures et aux modes de fonctionnement respectifs. Normalement cette compatibilité a été vérifiée lors de la phase de sélection de l’innovation externe et du porteur de cette innovation.

Et, lors des négociations, se pose la question de la compatibilité des modèles économiques des entreprises qui coopèrent. Cette dernière question est malheureusement trop souvent abordées à cette phase de la relation d’Open Innovation alors qu’elle augure de la suite de l’innovation : l’exploitation des résultats de l’Open Innovation en « business ».

Résultats de l’enquête nationale sur l’organisation des coopérations d’innovation client-fournisseur

Galerie

Fin 2013, plus de 150 fournisseurs français participaient à une enquête nationale sur les coopérations d’innovation entre clients et fournisseurs, du point de vue du fournisseur. Voici les résultats que nous avions promis de leur transmettre : Enquête cooperation innovation … Continuer la lecture

Coopérer, la solution au déficit de compétitivité des PME/ETI françaises (aussi). Mais, comment faire ?

Image

Dans son rapport de 2010 « Les entreprises de taille intermédiaire au cœur d’une nouvelle dynamique de croissance », le sénateur Bruno Retailleau (et avec lui Alain – Roland Kirsch, Marianne Faucheux et Yves Magne) soulignait que la France souffrait d’un manque de coopération entre les entreprises :

« La croissance est désormais une performance collective comme le montrent les exemples allemands et italiens. Leur force est notre faiblesse. Une PME ou une ETI isolée est une entreprise potentiellement en danger. »

Quelques années plus tard, ce constat est encore partagé…

Dans le « Manifeste pour faire gagner la France » édité par le MEDEF à l’occasion de son Université d’été 2014, tout un paragraphe y est consacré au « jeu collectif ». Parmi ses engagements immédiats, page 27, le MEDEF s’engage à « travailler avec les branches et les fédérations professionnelles pour favoriser les coopérations ». Il s’agit de « s’engager dans une révolution collaborative ». Les solutions proposées sont les suivantes (pages 36 et suivantes) :

  • Assouplir le marché/code du travail
  • Promouvoir et coordonner les dispositifs existants qui favorisent la coopération (pôles de compétitivité, salons…)
  • Améliorer les relations PME-grands groupes – notamment en intégrant l’accompagnement des fournisseurs par les achats dans une démarche RSE
  • Développer les économies d’échelle interentreprises en mutualisant leurs ressources – notamment dans le monde des start-ups
  • Sensibiliser à la propriété intellectuelle
  • Réformer le droit des sociétés (comme proposé ici)
  • Revoir le nombre d’instances représentatives des syndicats et du patronat

Pour réaliser ces solutions, le groupe de travail suggère que le MEDEF / France 2020, s’engage à élaborer immédiatement « un guide des bonnes pratiques Grands groupes/ETI/PME ».

Pour sauter cette étape et passer directement à l’action, je suggérerais de s’appuyer sur l’excellent guide « Réussir ensemble » proposé par le Club Innovation & Entreprise. Ce guide a été élaboré par Hervé Gonay à la suite de ses expériences de chasse en meute ; où comment quand on a une PME on réussit à construire des écosystèmes coopératifs. Le document « 8 modèles de groupement pour « Réussir Ensemble » explique très clairement en fonction des situations rencontrées quels sont les modèles conseillés.

Exemple de modèle de coopération

Et le document « La check-list du parfait « Chasser en meute » » porte le bon titre.

Extrait de la check-list

C’est un document à transmettre aussi bien aux managers d’entreprises fournisseurs que clients. Faire découvrir au plus grand nombre ce type d’initiative pourrait peut-être permettre de gagner du temps et des ressources, des rapports et des commissions…. des points de croissance ?

ga(‘create’, ‘UA-29335787-1’, ‘auto’);
ga(‘send’, ‘pageview’);

Les points de vue de la start-up et du grand groupe sur leur collaboration

Il est utile de mettre en relation start-ups et grands groupes, pour la bonne et simple raison qu’elles ont besoin chacune l’une de l’autre. De manière caricaturale, quand l’une à des idées, l’autre à du pétrole, même si ce n’est pas si évident que cela. En relisant l’excellent blog http://openinnovationblog.blogspot.fr/ qui présente régulièrement les travaux d’un cardinal de l’Open Innovation Tim Minshall, j’ai pensé intéressant de reprendre son post sur la gestion des coopérations entre grandes entreprises et start-ups et de le mettre en regard de notes que j’ai prises pour préparer une conférence sur la convergence Start-up – Grand groupe organisée par le Master spécialisé Technologie et Management de Centrale Paris.

Le point de vue de la grande entreprise

Pour le grand groupe, aller vers les start-ups, c’est dans son discours aller chercher des idées nouvelles, celles qui pourront faire le busines de demain. Or ces idées nouvelles peuvent se trouver également en interne (en moyenne un tiers de fondateurs de start-ups qui travaillent avec des grands groupes sont issus de leurs rangs).

Ce qui est vraiment difficile pour le grand groupe, c’est de mettre en œuvre ces idées nouvelles. Focalisé sur l’exploitation de ce qu’elle sait faire, la stratégie d’un grand groupe est très majoritairement tournée vers des objectifs de faire bien et faire mieux son travail actuel avec ses actifs actuels. L’exploration de nouvelles voies de développement, la recherche de la rupture est avant tout un discours. En allant chercher des start-ups, le grand groupe va chercher l’agilité, la souplesse qu’elle n’a plus.

Les grands groupes en travaillant avec des start-ups retrouvent leurs vingt ans. Elles vont alors prêter une attention particulière aux « défauts de jeunesse » des start-ups.

  • La gestion de la confidentialité et de la propriété intellectuelle (IP) n’est pas anodine

La start-up n’aime pas dévoiler les secrets de sa technologie (qui est bien entendu unique) – elle exige très souvent un accord de confidentialité (NDA : non disclosure agreement) pour se protéger. Elle peut alors oublier que le grand groupe peut lui aussi avoir sa propre IP sur ce domaine…

  • Il y a des risques d’usage abusif du nom du grand groupe et de fuites sur sa stratégie d’innovation

Le grand groupe peut craindre qu’une start-up n’utilise sa marque à des fins commerciales. Si c’est une pratique prohibée, en France, elle n’en est pas moins courante. Ainsi, lors de la présentation des résultats 2013 de l’Observatoire de la relation Grandes Entreprises + PME Innovantes de l’IE Club, il avait été souligné que :

La PME se créé des références via sa relation avec 1 grand groupe : permet d’être ensuite référencé ! #uemedef13 @IEClub @ppelouzet

— Romaric SH (@innov_et) 29 Août 2013

Ce qui n’est pas forcément apprécié des grands groupes, notamment quand la relation entamée avec la start-up concerne un pan de sa stratégie de développement qui n’a pas vocation à être communiqué dans l’immédiat.

  • La vision de la maturité d’une innovation n’est pas la même

Les start-ups se voient souvent comme étant les porteurs d’une technologie qui doit être intégrée dans un produit existant fabriqué et vendu par le grand groupe. Or celui-ci préférerait plutôt une solution prête à être mise sur le marché. Et même si son processus de lancement de nouveaux produits est performant, la start-up peut être surprise par le temps et les dépenses qu’il faudra réaliser pour arriver jusqu’à la mise sur le marché du produit intégrant sa technologie.

Et quand la start-up s’adresse à des grands groupes qui ne sont pas « digitaux » ou travaillent sur des technologies bien plus mûres que les leurs, cette marche à franchir est encore plus importante.

  • Des modèles d’évaluation sources d’incompréhension

Les start-ups ont souvent des difficultés à comprendre le besoin qu’a une grande entreprise de s’assurer de la fiabilité de la start-up avant de s’engager – ce sont pourtant les grilles d’analyse des risques utilisées (et utilisables pour plus de 80% des fournisseurs classiques). Et si la start-up est une organisation agile elle est aussi fragile. Ce qui est une force et à la fois une faiblesse. Le grand groupe va chercher l’agilité mais se méfiera de la fragilité : tout d’abord au moment de la phase d’innovation, puis par la suite au moment de produire. La start-up est-elle capable de tenir la route ? ira-t-elle jusqu’au bout de l’innovation surtout si nous nous bloquons par la protection de l’IP ? saura-t-elle passer le ramp-up ? déjà dans certains grands groupes cette phase de passage à la production d’un grand nombre d’unité est compliquée, alors imaginez dans une organisation aux ressources très limitées. Il faut pour le grand groupe s’assurer de cette capacité de la start-up à tenir la route alors même qu’il n’est pas toujours capable de s’engager sur des volumes futurs. Par exemple, si demain moi grand groupe automobile, je lance une innovation venant d’une start-up pour une nouvelle ligne (révolutionnaire) de voiture, comment puis-je savoir si son destin sera celui de la Velsatis ou celui de la Twingo ?

  • Avec des différences de culture qui viennent renforcer ses incompréhensions

Alors que les grands groupes viennent chercher l’agilité des start-ups, cette agilité entraîne également des comportements impatients de la part des start-upers quand ils se trouvent confrontés à la bureaucratie des grands groupes. Quand bien même un tiers des dirigeants de start-up viennent de ces mêmes grands groupes, ils oublient rapidement la « nécessité » dans un grand groupe qu’il y a à produire beaucoup de justificatifs et de présentations, même pour un projet d’innovation. Et cette impatience est en retour difficilement compréhensible par ses interlocuteurs au sein du grand groupe alors même qu’ils peuvent faire, à titre individuel au moins, des efforts pour promouvoir la start-up.

Le point de vue de la start -up…

En tant que société qui vient de se lancer, la start-up est caractérisée dans le monde des affaires par sa fragilité : elle manque à la fois de ressources financières et de références qui en font une entreprise considérée comme fiable. En s’adossant avec un grand groupe, que ce soit par une relation client-fournisseur ou par une prise de participation, une start-up va tout d’abord recueillir une première référence : elle va ensuite pouvoir dire « je travaille avec untel, donc vous pouvez travailler avec moi ». Ensuite, et dans le temps c’est plus souvent comme cela que ça passe, elle va pouvoir profiter d’une manne financière plus ou moins importante qui va lui permettre de financer son démarrage, voire parfois d’assurer un début de pérennité financière. Mais pour cela, il y a quelques questions à régler…

  • Il est difficile d’accéder au grand groupe

Il est difficile pour une start-up/pour un futur fournisseur de trouver le bon point d’entrée, quand bien même certaines entreprises tentent de faciliter les choses en proposant un unique point d’entrée. La complexité et la taille de certaines entreprises, voire même de certaines de leurs divisions ou départements, font que même pour quelqu’un de l’intérieur il est difficile, voire impossible, d’aider la start-up à trouver le bon interlocuteur.

  • Il est difficile de comprendre qui fait quoi

Il est très difficile pour une start-up, qui travaille avec des moyens et un temps limités, de réussir à comprendre les différentes fonctions d’une grande entreprise. Qui sont les décideurs ? qui sont les influenceurs ? qui sont les utilisateurs ? qui sont les potentiels opposants ? autant de questions nécessaires à l’établissement d’une relation fructueuse et qui sont autant d’énigmes.

  • En plus, les points de contact sont amenés à changer

Une fois l’accès au grand groupe trouvé, le syndrome du NIH (not invented here), les guerres de territoire entre les différents services ou les objectifs opposés de certains secteurs de l’entreprise peuvent limiter la portée de cet accès. La start-up peut avoir commencé à parler aux ingénieurs du grand groupes qui parlent la même langue et s’enthousiasment pour leur technologie. Mais, avoir convaincu l’innovation n’assure pas le passage à la production, et vice-versa. Et plus la formalisation d’un accord se rapproche, plus de nouveaux acteurs rentrent en scène (acheteurs, service juridique…) et ne donnent pas toujours l’impression de jouer la même pièce.

  • Et la décision puis l’exécution prennent trop de temps

Les start-ups sont agiles et décident rapidement. C’est une des raisons pour lesquels les grands groupes se tournent vers elles (en plus de cette technologie unique dont nous parlions au début de ce post) : ses routines, ses complexités, ses processus, ses outils de gestion… ne lui permettent pas de décider et d’exécuter « en mode start-up ». Dans le même temps, à un niveau opérationnel, les enjeux de trésorerie du grand groupe ne sont pas ceux de la start-up : la start-up n’a que quelques mois pour faire ses preuves. Il est donc difficile pour les start-upers de s’accommoder de ces différences.

  • Alors si on ajoute qu’il y a parfois des abus de pouvoir

Pour reprendre le titre du magazine Challenges de Juin 2012 la start-up craint de se faire assassiner par le grand groupe. Tout d’abord elle craint de se faire voler ses idées (cf. le paragraphe sur la protection de l’IP).
Ensuite, au début de la relation, la grande entreprise peut, volontairement ou pas, abuser de sa position en faisant traîner les négociations afin de limiter les contacts entre la start-up et ses concurrents ou imposer un contrat déséquilibré. Elle peut également en profiter pour bloquer un brevet ou préparer le blocage d’une technologie en posant des brevets sur des versions plus élaborées…

Cette crainte est d’autant plus grande que le grand groupe n’est pas structuré pour coopérer avec les start-ups : s’il n’y a pas de coordination en interne entre les différents points de contact et que ceux-ci sont décideurs sur leurs domaines, les problèmes arrivent. Ainsi un responsable de l’innovation, ou même un acheteur, peut être emmené à prendre des engagements auprès de la start-up qui ne seront pas tenus par l’organisation, du fait du passage du service juridique, ou bien du transfert d’un service à un autre qui n’aura pas le même point de vue. Et cela va sans compter sans la versatilité dans la stratégie des entreprises (qui est une forme d’agilité que le grand groupe partage avec la start-up).

  • Et une méconnaissance des contraintes de la start-up….

Il arrive aussi que certaines demandes du grand groupe auprès d’une start-up (en plus des procédures d’analyse des risques) montrent leur manque de prise en compte de la situation de la start-up. Tim Minshall dans sa note cite ainsi le dirigeant d’une start-up : « Ils nous téléphonent et demandent à parler à notre directeur des ventes en Amérique latine ou nous demandent de former 20.000 de leurs consultants. Notre entreprise se résumait à 6 personnes travaillant dans une chambre ». Et parfois, quand bien même le grand groupe serait capable d’appuyer la start-up pour l’aider à déployer son produit innovant sur un large périmètre, le manque de connaissance de la start-up pour cette (rare) possibilité l’amène à répondre, par réflexe, par la négative à une demande initiale disproportionnée.

Il y a bien entendu quelques solutions à cette convergence d’intérêt et cette divergence de points de vue ; elles seront traitées dans un prochain post.

– La conclusion du rapport Gallois est-elle dans le bon sens ? où se situe la confiance ?

« Jouer l’innovation et la qualité, l’esprit d’entreprise et la prise du risque, rompre les barrières et travailler ensemble, mettre en valeur les compétences et (re)donner le goût du progrès technique, ouvrir de nouveaux espaces de dialogue et stimuler l’intelligence collective. Il y a là tous les ingrédients pour mobiliser les forces vives du pays et, en particulier, la jeunesse.

C’est de là que viendra la confiance, l’optimisme et donc le succès.« 

 

Le jeu collectif proposé par le rapport Gallois nourrira-t-il la confiance ?

Les 10ème, 11ème et 12ème propositions vont dans ce sens : un « small business act » pour fixer les règles du jeu, une obligation pour les grands groupes d’associer leurs fournisseurs (pour obtenir des soutiens étatiques) et le développement de leurs échanges (IRT, pôles, comités de filières…) pour multiplier les occasions de jouer… et (r)apprendre à jouer collectif.

Mais, peut-être faudrait-il d’abord (r)établir la confiance.

Selon Morgan et Hunt, 2 chercheurs phares de l’étude des relations interentreprises, la confiance existe dans une relation quand un acteur peut se fier à la fiabilité et à l’intégrité de son partenaire. Aussi, elle s’appuie sur le partage d’un cadre de référence : les règles du jeu, et sur la capacité des entreprises à s’attendre à ce que l’autre s’y réfère : va-t-il jouer selon les règles ?

Pour un redressement compétitif, la confiance est un ingrédient avant d’être un résultat : pour « rompre les barrières et travailler ensemble », il est nécessaire de s’assurer que cela peut-être fait sans un risque trop élevé d’opportunisme de la part du partenaire. Or le manque de confiance dans les relations interentreprises est allé croissant avec la crise (cf  les différents baromètres du Pacte PME et de l’ObsAR). La perte de confiance entre entreprises c’est autant de compétitivité en moins.

Il faut prendre le problème à sa racine : (r)établir la confiance.

C’est en partie le rôle de la médiation inter-entreprises ; son travail devrait être amplifié (discours du ministre du redressement productif au MIDEST 2012) et il y aura d’autres pistes à creuser…

– La taille compte-t-elle toujours ? une autre vision de la relation PME-grand groupe (1)

Si le rapport de la PME et du grand groupe s’envisage principalement sous l’angle du rapport de taille – le grand vs. le petit – une étude plus poussée du sujet amène au premier plan une relation plus influencée par les questions de stratégie des entreprises que de taille de celles-ci.

Envisager le rapport PME-grand groupe sous l’angle de la place du partenaire dans la stratégie de chacun s’appuie sur des travaux de recherche en gestion portant sur les questions de dépendance entre entreprises d’une même chaîne de valeur (Anderson & Narus 1984; Anderson & Narus 1990; Dwyer et al. 1987).

Je vois 3 principales raisons qui font que la question de la taille d’entreprises en affaires apparaît systématiquement sur le devant de la scène lorsqu’il s’agit d’évoquer la relation PME-grand groupe :

  1. Lorsque l’on pose la question de la PME/grand groupe, on pose la question de la relation de 2 entités dont la définition même repose sur la différence de taille (Décret n° 2008-1354 2008), à savoir l’effectif et le chiffre d’affaires des entreprises.
  2. Cette différence de taille est une des raisons de la collaboration : d’une part l’entreprise de plus grande taille se tourne vers la plus petite pour pouvoir profiter de sa flexibilité et de sa réactivité (Schumpeter 1942). D’autre part, l’entreprise de plus petite taille se tourne vers la plus grande pour sa capacité à mobiliser des ressources plus importantes (Doz 1987).
  3. Elle est également la manifestation d’une différence de ressources qui sont sources de peurs de la part de chacun : la PME craint de se faire absorber ou dépasser par le grand groupe qui en retour craint la fragilité (réelle ou supposée) de la PME, sa potentielle incapacité à répondre à ses besoins et le risque légal qu’il a se retrouver juridiquement gestionnaire de fait en cas de défaillance de celle-ci.

Ce troisième point est celui qui revient le plus souvent lorsqu’il s’agit d’évoquer les relations PME-grand groupe. Il est loin d’être négligeable au moment de prendre les décisions de nouer une relation ou lorsqu’il s’agit de lui faire prendre un nouveau tournant : ces peurs, qui peuvent se retrouver dans la « gestion du risque », sont alors ce qui fait qu’une relation se noue ou pas. Mais au cas où la relation se noue – la relation d’affaires est active entre la PME et le grand groupe – c’est alors que la question de l’asymétrie de taille s’efface devant celle de l’importance stratégique de l’un pour l’autre : l’asymétrie d’interdépendance entre les entreprises partenaires.

Travailler sur le rapport grand groupe-PME

Challenges (numéro du 14/6/2012) fait sa une sur ces « PME qu’on assassine » ; Le Monde propose un article sur « les grands groupes (qui) traitent encore trop souvent les PME comme des « paillassons ». Quelle est la part de parti-pris, quelle est la part des vérités des uns et des autres ?

Après avoir multiplié les rencontres auprès de responsables achats de grands groupes – certains sont félicités, d’autre mis à l’index dans les articles ci-dessus – je confirme l’intérêt qu’il y a à porter sur la relation grand groupe-PME un regard scientifique. Non pas qu’il faille remettre en cause le travail de la médiation des relations interentreprises ni même celui du Pacte PME mais plutôt qu’il faille également envisager la problématique en terrain neutre.

La démarche scientifique permet de s’affranchir, autant que faire se peut, du biais induit par le point de vue naturellement en faveur de l’un ou de l’autre des partis. Et, dans le cadre des relations PME-grands groupes,  le sujet est tellement sensible que jusqu’à présent il n’y a pas eu de solutions proposées : soit il y a stigmatisation de l’un ou l’autre, soit il y a la mise en avant de success stories. Il est difficile de sortir d’une vision « le grand méchant groupe » ou « la PME facteur de risques ».

En envisageant la relation PME-grand groupe sous l’angle de l’asymétrie, je propose d’effectuer un glissement dans la perception de la relation.

Si la composante la plus flagrante de l’asymétrie est la différence de taille, elle s’accompagne aussi de la relation de dépendance et de pouvoir qui se joue entre 2 entreprises qui collaborent. Ainsi, en fonction de l’importance relative des intérêts de l’un et de l’autre à collaborer et de la rareté, ou non, des ressources qu’elle propose, l’asymétrie peut s’équilibrer voire même basculer : une PME détentrice d’un savoir-faire exclusif sur un marché stratégique pour un grand groupe et qui a par ailleurs des revenus réguliers peut prendre le pas sur ce grand groupe (et ses concurrents).

En prenant également en compte le point de vue de chacun des acteurs de la collaboration et en s’assurant constamment du caractère non engagé de la recherche, on peut aborder la problématique sous un angle neuf : la question n’est plus de savoir qui a tort ou qui a raison. Il s’agit alors de comprendre comment se réalise la collaboration et pourquoi chacun agit comme il agit. C’est cette prise de recul et cette neutralité qui permet de trouver les clefs de la réussite du rapport grand groupe-PME.

Le seul parti-pris : la collaboration est source de performance durable pour ceux qui s’y engagent avec les bons dispositifs !

– Le coût de l’infidélité, facteur de stabilité

Soit un grand groupe et une PME. La PME approvisionne le grand groupe en sous-système après avoir construit un élément clef (son coeur de métier) de ce sous-système, avoir réalisé l’assemblage puis l’avoir testé.Il y a 10 ans le grand groupe a accompagné la PME pour passer de constructeur de pièce à constructeur et assembleur de sous-système, devenant ainsi un de ses fournisseurs de rang 1, catégorie « stratégique » sur sa famille d’achat.

Depuis la relation est continue et fait même figure de meilleure pratique des relations PME-grand groupe.

Or, la relation est constamment remise en cause. Il n’y a pas d’engagement réciproque sur la durée. Le grand groupe, au su de la PME, réalise un double sourcing, de bien moindre importance mais actif. Tous les 12 à 18 mois, la relation est remise sur la balance et l’opportunité d’aller voir ailleurs est évaluée par le grand groupe.

Malgré cela, la PME se déclare « heureuse » de cette relation qui lui permet de stabiliser son chiffre d’affaires. Certes l’évaluation est assortie d’un plan de progrès suivi qui permet l’amélioration continue de ses processus et outils. Néanmoins, la décision finale de poursuivre la relation se fait sur des critères économiques.

Et, année après année, le grand groupe dit « oui » à la PME.

Cette continuité est le fruit d’une part de la capacité de la PME à répondre aux besoins de son client et d’autre part du système d’évaluation mis en place dans le grand groupe. 

En étudiant ce système d’évaluation, on s’aperçoit de la maturité  de l’approche de la direction des achats qui ne se contente pas d’estimer le coût total de son fournisseur et de son concurrent.  Parmi les critères économiques employés, figure également l’évaluation du « sunk  cost » de son fournisseur stratégique soit le calcul de ce que coûterait la perte de celui-ci.

                              créer des liens

Aussi plus la qualité de la relation est élevée, plus les liens sont fluides et étroits, entre la PME et le grand groupe, plus ce « sunk cost »est élevé donc plus le risque d’opportunisme du grand groupe s’éloigne.

L’évaluation du coût de l’infidélité se révèle un garant de la fidélité du grand groupe, si tant est que la PME le demeure aussi!

Pour autant, la relation long terme qu’elle implique amène-t-elle pour autant le développement de la confiance et de l’engagement entre les 2 entreprises ?

Le protectionnisme, une opportunité pour les acheteurs ?

A l’occasion des premières assises des services Achats, on m’a demandé d’intervenir sur le rôle des achats dans la politique de croissance des PME françaises. Je vous livre ici les prémices de ma réflexion.

La question du rôle des achats dans la politique de croissance des PME française se décompose en deux problématiques : d’une part, le rôle des entreprises clientes des PME dans la politique de croissance des PME française, et d’autre part le rôle des achats et de l’acheteur dans l’entreprise.

La place des entreprises – et plus particulièrement des grandes entreprises françaises – dans la politique de croissance des PME françaises est une question politique particulièrement d’actualité.

En pleine campagne présidentielle couplée à une crise économique bien présente, c’est la question de la (ré)industrialisation du tissu économique français qui est en jeu. Aussi, elle est abordée par l’ensemble des candidats à la présidence de la République : elle se retrouve dans les 4 premiers engagements du programme de François Hollande, dans le projet 2012 de l’UMP, dans les propositions « contre le surendettement, tout pour l’emploi » de François Bayrou…. Si la majeure partie des promesses de campagne reposent sur des incitatifs favorisant le développement des PME, certaines proposent également des dispositifs contraignants.

La dynamique tendant à renforcer les liens entre PME et grands groupes est lancée. A l’échelle de la France comme de l’Europe, les dispositifs en faveur de projets collaboratifs entre PME et grands groupes se multiplient. Après une phase où ces dispositifs sont non contraignants (promotion de la responsabilité sociétale des entreprises) voire incitatifs (développement des clusters, Programmes européens Cadres de Recherche et Développement Technologique), le temps se rapproche où les collaborations et l’achat aux PME locales devront être la règle. Les économistes influençant les programmes de tout bord annoncent ainsi la prochaine « remise à l’endroit du système productif » (Jean-Louis Levet et Christian Saint-Etienne devant le Comité Richelieu, le 5 mars 2012). Et, celle-ci passera par la mise en place de mesures contraignantes en faveur du développement d’un tissu de PME innovantes, au niveau de l’Europe comme à celui de la France. Aussi, les entreprises basées en France vont devoir jouer un rôle dans la politique de croissances des PME françaises, de gré ou de force, et ce rôle se jouera en premier lieu à travers leurs achats.

Point de contact principal avec les PME, les services Achats vont hériter en premier chef de ce rôle. En charge de la sélection des fournisseurs, ils les évaluent principalement sur des critères de réduction des coûts et de maîtrise des risques, toujours plus importants en temps de crise. Si ces grilles d’évaluation permettent parfois de relocaliser des fournisseurs (tout particulièrement à travers l’évaluation des coûts complets…), elles ne sont pas toujours favorables aux PME françaises. Par ailleurs, les acheteurs sont eux-mêmes évalués sur leur capacité à appliquer ces grilles. Aussi, pour garantir l’application d’une mesure favorisant l’achat auprès de PME locales, il s’avère nécessaire de refondre les systèmes d’évaluation de l’ensemble de la fonction Achats. Or, cette décision n’appartient pas aux acheteurs mais bien aux dirigeants et actionnaires des entreprises-clientes.

Aussi, devant cette dynamique de fond qui peut s’accélérer dès le prochain printemps, seuls les dirigeants des entreprises françaises peuvent décider s’ils souhaitent la subir ou bien l’anticiper en réinventant les Achats. Alors, le nouveau rôle des Achats, au service de leur entreprise ainsi que de leur écosystème, pourra consister en une revalorisation de l’acheteur acteur non seulement de l’évaluation des coûts complets mais également de la maximisation de la valeur complète créée.