Le value-based procurement – une approche pour des Achats orientés valeur

La tension croissante dans le domaine des achats a conduit à une réflexion approfondie sur la valeur réelle des produits et services achetée, et au développement de nouvelles méthodes. Le Value-Based Procurement (VBP) en est un fruit. Approche nouvelle pour des achats axée sur la valeur plutôt que sur les coûts, elle trouve ses racines dans le passé. Née de la nécessité de surmonter les défis d’approvisionnement pendant la Seconde Guerre mondiale, elle se trouve particulièrement adaptée pour les défis que rencontrent les Achats aujourd’hui.

L’approche par la valeur, une technique des Trente Glorieuses

L’analyse de la valeur, qui est au cœur du Value-Based Procurement, trouve ses origines chez General Electric pendant la Seconde Guerre mondiale. Lorsque des pénuries d’approvisionnement ont affecté la production de turbines, l’entreprise a dû repenser sa façon de faire tourner ses installations. C’est ainsi que l’ingénieur Lawrence Miles a développé une approche novatrice axée sur la valeur des produits et services : le value engineering.

Le value engineering a permis pendant toutes les trentes glorieuses de générer de nombreux gains pour les achats. Mais à partir des années 70, avec la libéralisation et l’internationalisation de l’économie, la réduction des coûts est devenue une priorité majeure pour de nombreuses entreprises et elle a été facilitée par cette internationalisation. Il « suffisait » d’aller chercher un peu plus loin des fournittures moins cher à l’achat pour remplir ses objectifs. Cependant, cette quête incessante d’économies a souvent conduit à négliger la réflexion sur la valeur des produits et services. Les acheteurs se sont concentrés sur la réduction des coûts; c’est ce qui leur était demandé; l’impact sur la valeur globale n’était que rarement prioritaire.

Un renouveau venu de l’achat public hospitalier

Cependant, ces dernières années, la situation tendue sur les marchés conduit les achats à se repenser. Certains secteurs sont plus en avance que d’autres et consacrent plus de ressources sur leur manière de répondre aux nouveaux défis. C’est le cas du secteur hospitalier public, avec le soutien (financier) des pouvoirs publics. C’est ainsi que le value-based procurement a été développé, avec le soutien financier de la Commission européenne.

Le value-based procurement est une approche qui vise à optimiser le rapport entre les bénéfices potentiels et les coûts à supporter pour les obtenir. Il vient enrichir le processus de sourcing stratégique en insistant sur la prise en compte des parties prenantes et de leurs bénéfices potentiels. Cela implique d’identifier toutes les parties prenantes impliquées dans l’achat, telles que les médecins, les patients, les soignants, les experts-comptables, la société dans son ensemble, la sécurité sociale et même les fournisseurs. En prenant en compte ces différentes perspectives, il devient possible d’évaluer et d’optimiser ce rapport bénéfice/coût.

Une approche déployable pour tout type d’achat

La méthode du value-based procurement peut être employée, moyenant quelques adaptations, dans de très nombreux domaines d’achats pour tout type de sourcing. Par exemple, dans le cadre d’un sourcing de chariots élévateurs, elle a démontré de mutliples bénéfices… dont de substantielles réductions des coûts.

Dans ce cas, il s’agissait de renouveler un parc d’une centaine de chariots élévateurs, principalement en location longue durée (LDD), avec une maintenance assurée par un technicien sur site. Le VBP a conduit a proposer une approche alternative au renouvellement de l’achat tel qu’il était pratiqué, basée sur l’achat groupé de nouveaux chariots élévateurs plus ergonomiques et plus confortables. Le calcul du TCO (Total Cost of Ownership) a démontré que les coûts annuels et mensuels en coût complet associés à la location longue durée étaient 10 fois supérieurs aux coûts standards, qui ne prennent pas en compte des éléments tels que l’énergie (eau, électricité), les pièces détachées, les coûts des visites réglementaires, les assurances et les frais administratifs. En optant pour l’achat des chariots élévateurs, ces coûts étaient significativement réduits. En plus des avantages financiers, la méthode VBP a également mis en évidence d’autres avantages importants. Les chariots élévateurs plus ergonomiques ont conduit à une meilleure satisfaction des utilisateurs, une réduction des troubles musculo-squelettiques et une diminution des accidents. De plus, l’utilisation de nouveaux chariots a entraîné des économies d’énergie et une augmentation de la productivité globale.

Au bout d’un an, les résultats étaient encore plus éloquents. Il y a eu une baisse significative des maladies professionnelles, une réduction des risques de mouvements sociaux, une image de marque revalorisée et un niveau de motivation plus élevé au sein de l’entreprise. Ces bénéfices supplémentaires ont clairement démontré l’impact positif de l’approche VBP dans le domaine des chariots élévateurs. Des résultats similaires peuvent se retrouver dans des achats différents dans d’autres domaines d’activité, tel que, par exemple, l’achat d’abonnement de presse dans la banque.

Une opportunité pour toutes les directions Achats

En adoptant une approche axée sur la valeur plutôt que sur le coût initial, les entreprises peuvent réaliser des économies significatives, tout en améliorant la satisfaction des utilisateurs et en favorisant des conditions de travail plus sûres et plus productives.

Le Value Based Procurement représente un changement fondamental dans les pratiques d’achat car elle demande un travail bien plus chronophage dans les premières phases du sourcing – au moment de recueillir, enrichir et valider les besoins d’achat. En adoptant cette approche, les directions achats peuvent maximiser la création de valeur en prenant en compte non seulement les coûts, mais aussi les bénéfices potentiels pour l’ensemble des parties prenantes. Bien que le VBP ait été initialement développé dans le domaine de la santé publique, il montre également des résultats prometteurs dans d’autres secteurs. En repensant l’impact de leurs achats, les entreprises peuvent véritablement transformer leur approche et atteindre des niveaux de performance plus élevés.

Le value-based procurement offre ainsi de nouvelles perspectives pour les directions achats souhaitant relever les défis actuels de manière innovante et responsable.

Quelle valeur pour le Partenariat d’Innovation ? une méthode pour l’achat public européen

Afin de maximiser l’engagement des fournisseurs innovants dans des projets d’innovation avec des acteurs publics, la Commission Européenne a créé en 2014 le Partenariat d’Innovation. Ceui-ci permet, dans la même procédure, d’acheter à la fois le développement d’un nouveau produit/services et son acquisition en cas de succès.

Toutefois la mise en place des Partenariats d’Innovation demande de relever de nombreux défis pour l’acheteur public. Cela commence par la détermination de la valeur du partenariat. Celle-ci doit être fixée et négociée alors que le produit/service visé n’existe pas encore. Il s’agit également de respecter l’ensemble des contraintes liées à l’achat public – dont celles relatives aux aides d’Etat.

A la demande de la DG Grow, j’ai développé une approche qui permet de répondre à ces défis. Elle est publiée par la Commission Européenne sur la page dédiée à l’Achat d’Innovation.

Une méthode en 2 phases

Cette méthode consiste à identifier les différents éléments qui font la valeur de l’innovation partenariale, pour le fournisseur comme pour l’acheteur public.

Puis, il s’agit de proposer des modalités d’évaluation spécifiques pour chacun des éléments identifiés. Dans les phases de Recherche et Développement, puis dans les phases d’Achats du service/produit fini. Les évaluation s’appuient sur le principe de la quasi-décomposabilité et sur la combinaison des méthodes de pricing mobilisées dans l’achat public : contrat de performance, indices de prix, coût total de possession, analyse de la valeur….

Sur cette base, il est possible de proposer aux acheteurs publics toutes les clefs pour créer un cocktail de solutions qui répondent aux différentes possibilités offertes par les partenariats innovation.

Cette méthode permet ainsi de maximiser la valeur pour le bien public. Elle permet aussi de minimiser les risques d’une telle procédure mais aussi de favoriser la croissance des entreprises européennes innovantes.

Elle peut être également mobilisée pour l’achat privé – en s’inspirant de la démarche qui consiste à d’abord identifier les sources de valeur, puis en allant piocher dans les différentes solutions possibles celles qui s’appliquent le mieux à la situation ciblée. Elle est déjà enseignée dans le cadre de la formation continue MAI – management des achats internationaux de Kedge Business School.


La DG GROW de la Commission Européenne a pour mission de continuer la réalisation du marché intérieur pour les biens et services ; favoriser l’entreprenariat et la croissance ; soutenir l’accès des compagnies européennes aux marchés globaux ; générer des politiques de protection et d’application des droits de propriété industrielle ; coordonner la position de l’Union européenne et les négociations au sein du système international de propriété intellectuelle.