– La conclusion du rapport Gallois est-elle dans le bon sens ? où se situe la confiance ?

« Jouer l’innovation et la qualité, l’esprit d’entreprise et la prise du risque, rompre les barrières et travailler ensemble, mettre en valeur les compétences et (re)donner le goût du progrès technique, ouvrir de nouveaux espaces de dialogue et stimuler l’intelligence collective. Il y a là tous les ingrédients pour mobiliser les forces vives du pays et, en particulier, la jeunesse.

C’est de là que viendra la confiance, l’optimisme et donc le succès.« 

 

Le jeu collectif proposé par le rapport Gallois nourrira-t-il la confiance ?

Les 10ème, 11ème et 12ème propositions vont dans ce sens : un « small business act » pour fixer les règles du jeu, une obligation pour les grands groupes d’associer leurs fournisseurs (pour obtenir des soutiens étatiques) et le développement de leurs échanges (IRT, pôles, comités de filières…) pour multiplier les occasions de jouer… et (r)apprendre à jouer collectif.

Mais, peut-être faudrait-il d’abord (r)établir la confiance.

Selon Morgan et Hunt, 2 chercheurs phares de l’étude des relations interentreprises, la confiance existe dans une relation quand un acteur peut se fier à la fiabilité et à l’intégrité de son partenaire. Aussi, elle s’appuie sur le partage d’un cadre de référence : les règles du jeu, et sur la capacité des entreprises à s’attendre à ce que l’autre s’y réfère : va-t-il jouer selon les règles ?

Pour un redressement compétitif, la confiance est un ingrédient avant d’être un résultat : pour « rompre les barrières et travailler ensemble », il est nécessaire de s’assurer que cela peut-être fait sans un risque trop élevé d’opportunisme de la part du partenaire. Or le manque de confiance dans les relations interentreprises est allé croissant avec la crise (cf  les différents baromètres du Pacte PME et de l’ObsAR). La perte de confiance entre entreprises c’est autant de compétitivité en moins.

Il faut prendre le problème à sa racine : (r)établir la confiance.

C’est en partie le rôle de la médiation inter-entreprises ; son travail devrait être amplifié (discours du ministre du redressement productif au MIDEST 2012) et il y aura d’autres pistes à creuser…

La taille compte-t-elle toujours ? une autre vision de la relation PME-grand groupe (2)

La notion d’asymétrie d’interdépendance s’appuie sur la notion d’équilibre des pouvoirs au sein d’une relation proposé par Thibaut & Kelley dans leur livre de 1959.

Une relation est asymétrique lorsque

« le niveau de comparaison pour des solutions alternatives n’est pas le même pour chacun ou plus simplement que l’une des deux parties perçoit l’opportunité d’aller voir ailleurs avec une intensité différente de l’autre »

Anderson & Narus 1984

Aussi, la dépendance d’une entreprise à une autre résulte de l’évaluation que fait chaque entreprise de l’importance de l’autre partenaire pour atteindre ses objectifs comme de la rareté d’alternatives sur le marché. Or, le résultat de cette évaluation se retrouve à travers les dispositifs qui sont mis en place de manière différenciée pour les « privileged business partners » qui sont par exemple des clients compte-clefs ou des fournisseurs stratégiques.

Ainsi le livre publié par le think tank « club Rodin » sur le rôle des achats dans la réinvention de l’industrie (Cappelli 2012) relève que

« (Les) fournisseurs « stratégiques » … sont définis … comme difficilement remplaçables, du fait de la criticité de leurs produits ou/et de leurs marchés. Il s’agit donc moins de « gros » fournisseurs que d’entreprises dont la cessation de fourniture pourrait avoir un fort impact sur les capacités de production, d’innovation ou sur l’image de la société cliente. »

Puis, une fois que l’entreprise partenaire est considérée comme appartenant à une catégorie spécifique, elle reçoit alors un traitement différencié indépendant de sa taille : les dispositifs de suivi, voire également les dispositifs contractuels, sont spécifiquement mis en œuvre pour s’assurer de la performance de la relation. Et la richesse attirant la richesse, l’interdépendance s’accroît par un phénomène « d’engagement relationnel » qui n’existe que lorsque la relation est considérée comme importante (Morgan & Hunt 1994).

Malheureusement, il n’y a que peu de fournisseurs stratégiques… et le rapprochement avec les fournisseurs est majoritairement le fruit de contraintes réglementaires (pour 65 % des entreprises étudiées pour le baromètre des Achats 2011 de CSC) ou bien celui d’une dossier de presse qui attire l’attention des PDG des grands groupes sur le traitement de leurs fournisseurs (dixit Jean-Claude Volot, jeune ancien Médiateur national de la relation interentreprise, le 12 mars 2012 à la Fondation Concorde)… la question de la taille ayant été alors l’accroche dudit dossier

Travailler sur le rapport grand groupe-PME

Challenges (numéro du 14/6/2012) fait sa une sur ces « PME qu’on assassine » ; Le Monde propose un article sur « les grands groupes (qui) traitent encore trop souvent les PME comme des « paillassons ». Quelle est la part de parti-pris, quelle est la part des vérités des uns et des autres ?

Après avoir multiplié les rencontres auprès de responsables achats de grands groupes – certains sont félicités, d’autre mis à l’index dans les articles ci-dessus – je confirme l’intérêt qu’il y a à porter sur la relation grand groupe-PME un regard scientifique. Non pas qu’il faille remettre en cause le travail de la médiation des relations interentreprises ni même celui du Pacte PME mais plutôt qu’il faille également envisager la problématique en terrain neutre.

La démarche scientifique permet de s’affranchir, autant que faire se peut, du biais induit par le point de vue naturellement en faveur de l’un ou de l’autre des partis. Et, dans le cadre des relations PME-grands groupes,  le sujet est tellement sensible que jusqu’à présent il n’y a pas eu de solutions proposées : soit il y a stigmatisation de l’un ou l’autre, soit il y a la mise en avant de success stories. Il est difficile de sortir d’une vision « le grand méchant groupe » ou « la PME facteur de risques ».

En envisageant la relation PME-grand groupe sous l’angle de l’asymétrie, je propose d’effectuer un glissement dans la perception de la relation.

Si la composante la plus flagrante de l’asymétrie est la différence de taille, elle s’accompagne aussi de la relation de dépendance et de pouvoir qui se joue entre 2 entreprises qui collaborent. Ainsi, en fonction de l’importance relative des intérêts de l’un et de l’autre à collaborer et de la rareté, ou non, des ressources qu’elle propose, l’asymétrie peut s’équilibrer voire même basculer : une PME détentrice d’un savoir-faire exclusif sur un marché stratégique pour un grand groupe et qui a par ailleurs des revenus réguliers peut prendre le pas sur ce grand groupe (et ses concurrents).

En prenant également en compte le point de vue de chacun des acteurs de la collaboration et en s’assurant constamment du caractère non engagé de la recherche, on peut aborder la problématique sous un angle neuf : la question n’est plus de savoir qui a tort ou qui a raison. Il s’agit alors de comprendre comment se réalise la collaboration et pourquoi chacun agit comme il agit. C’est cette prise de recul et cette neutralité qui permet de trouver les clefs de la réussite du rapport grand groupe-PME.

Le seul parti-pris : la collaboration est source de performance durable pour ceux qui s’y engagent avec les bons dispositifs !

– La confiance, levier d’amélioration de la compétitivité

Les résultats d’une expérience réalisée par l’Institut de Management International Agro-alimentaire (à laquelle j’ai collaboré au millénaire dernier) montrent l’impact de la confiance sur l’intention d’achat.

En passant en revue et en testant les indices qui permettent de faire croître le niveau de la confiance, les chercheurs de l’IMIA ont montré comment doubler le niveau de confiance sur un produit distribué en grande surface à l’aide de différentes allégations.

Ils ont églament (re)démontré l’impact positif du niveau de confiance sur l’intention d’achat ainsi que sa capacité à compenser une hausse de prix : en augmentant le niveau de confiance, il est possible d’augmenter le niveau de prix en conservant le même niveau d’intention d’achat.

Cette étude a eu lieu en BtoC et s’approche d’autres travaux menés en BtoB sur la performance de la confiance, notamment ceux d’Akbar Zaheer il y a une dizaine d’années. L’intérêt de cette étude présentée par Olivier Fourcadet est qu’elle permet des tests sur la sensibilité de la confiance et du prix d’achat : en augmentant la confiance par des « preuves d’allégation santé », on peut réussir à augmenter un prix de 60% (sur un montant peu important) et conserver son client.

En transposant au monde industriel ces résultats on peut trouver des sources de compétitivité dans les relations inter-entreprises.La question est de trouver quelles seraient les « preuves » nécessaires en BtoB pour renforcer le niveau de confiance…

Quelle est la mécanique de la réputation ? Par quels dispositifs agit-elle ?   Ce cinquième billet sur la réputation est la suite de quatre précédents publiés il y a quelques jours sur ce blog (billet 1 […]

Credits: Father & Son by …Vincent…