Il faut former aux Achats les acheteurs, comme les prescripteurs !

Pointée du doigt pour son manque d’influence stratégique, la fonction Achats française souffrirait moins d’un excès de technicité que d’un isolement culturel au sein des organisations.

L’étude européenne CPO survey 2025 du cabinet de conseil Inverto rapporte un retard important de la fonction Achats française en matière de leadership et d’influence stratégique par rapport aux cinq autres pays évalués (Allemagne, Espagne, Royaume Uni, Italie et Suède). Dans une analyse publiée sur Décision Achats le 11 juin, Isabelle Pinto Carradine, directrice du cabinet en France, indique que cela vient des priorités données aux Achats, des leviers achats prioritairement mis en oeuvre et des postures adoptées par les acheteurs.

Comparaison des spécificités des fonctions Achats en Europe (source: InVerto 2025)

La consultante explique que cela repose en grande partie sur la spécificité française en matière de formation des acheteurs « via une quarantaine de masters », ce qui ne favoriserait pas la « prise de hauteur stratégique ». En effet cela « créé une fonction très technique » en France, alors que dans les autres pays les acheteurs viennent de spécialités autres que les achats, ce qui apporterait transversalité et proximité opérationnelle. Insister sur l’importance de la formation est plus qu’estimable. Mais faire ce procès à nos formations Achats est aller un peu vite en besogne. Il faudrait aborder les formations en Achats sous un autre angle et plus largement.

Fonction achats, une fonction riche

La fonction Achats est une fonction riche et polytechnique par essence. L’étude des programmes de nos formations du bac+4 au bac+6 reflète la multiplicité des disciplines et techniques qui sont enseignées – droit, négociation, analyse financière, sociodynamique, stratégie, évaluation des coûts, psychologie de la personnalité, gestion de projet, logistique… et qui sont mobilisées au quotidien par les acheteurs.

Pour avoir des bons acheteurs, il est nécessaire de maîtriser cette palette de compétences. C’est d’ailleurs la seule manière d’apporter de la transversalité et de nourrir la stratégie d’une entreprise par cette vision Achats/Gestion de la ressource fournisseurs. L’acheteur a sa place dans l’entreprise (ou l’institution publique), et sa richesse, quand il conserve sa place et sa spécificité : il est complémentaire d’autres fonctions. Un bon achat ne se fait jamais seul. Les autres fonctions ont besoin de cette technicité pointue et multiple. Et nos acheteurs sont formés en France à cette transversalité.

Par ailleurs, si, dans les autres pays européens, il n’y a pas le même foisonnement de formation spécialisée en management des achats et de la supply chain, il y a de nombreux cours que l’on retrouve dans nombre de formations[1] en gestion comme en ingénierie. Et nombre de mémoires de recherche, obligatoires et en lien avec des entreprises, sont réalisés sur des thématiques achats. Aussi, il y a une diffusion plus large de ce qu’est un acheteur, et un bon achat. Cela entraîne une hybridation de toutes les fonctions. La formation en achats sur le terrain en est facilitée car il y a déjà une bonne base.

Le vrai trou dans la raquette, le manque de culture achats

En France, nous manquons de cette diffusion large de la culture et des outils Achats au sein de nombreuses formations. Ce sont nos acheteurs qui sont souvent le premier contact des managers avec les achats. Donc en plus de devoir faire leur métier (et ils le font même mieux qu’ailleurs, au vu de l’étude Inverto), ils doivent à leur tour former leurs clients internes. Quand les 63 CPOs français interrogés par Inverto déclarent qu’ils manquent de « procurement capabilities » (78% vs. 46% en moyenne), cela reflète bien cette situation. Il n’y a pas assez de personnes formées aux achats dans leurs entreprises, pas seulement les acheteurs mais surtout les parties-prenantes internes, car l’achat c’est d’abord jouer collectif !

Article original : https://www.decision-achats.fr/Thematique/talents-1298/formations-2278/Breves/former-former-achats-telle-question-484219.htm

[1] Lire à ce propos « Petit retour sur une expérience finlandaise » de Richard Calvi – ExcellenceHA n°12 – pour son analyse comparative de la formation des futurs acheteurs en Finlande.

Former les acheteurs aux compétences de demain… et d’aujourd’hui

Pensée analytique et innovation, capacité d’apprentissage, résolution de problèmes complexes forment les top 3 des compétences les plus demandées pour 2025 d’après le Forum Economique Mondial (Future of Jobs Survey 2020), la première et la troisième étaient déjà dans les plus demandées en 2018 (Future of Jobs Survey 2018).

Elles font parties du portefeuille de compétences que nous développons en formation continue auprès de nos apprenants du MAI Executive Education. Elles résument bien ce qui est attendu de la fonction Achats pour faire face à un monde volatile, incertain, complexe et ambigu : savoir répondre aux besoins d’aujourd’hui et accompagner ceux de demain dans la gestion des ressources externes. La compétence apprendre à apprendre est intrinsèquement dans leur démarche : en formation continue, la première épreuve est de savoir se remettre en posture d’apprendre.

Pour les deux autres compétences-clefs, la problématique dans les apprentissages et l’accompagnement de nos apprenants est de savoir bien doser l’équilibre entre leur apprendre à savoir répondre aux besoins d’aujourd’hui – ce qui fera qu’ils trouveront un métier ; et les managers Achats qui sortent de nos formations ont un remarquable taux d’emploi de 99% 6 mois après la formation – et savoir accompagner les transformations dans leurs organisations et dans leur profession. C’est la seule condition pour être performant dès leur prise de poste et pour les années qui suivent, comme managers des achats, directeurs des achats ou même pour créer le poste de gestionnaire des ressources externes. Aussi, à travers nos formations nous mobilisons deux pédagogies différenciées et pourtant intimement mêlées : une pédagogie classique répondant aux enjeux économiques du moment, et une pédagogie innovante pour adresser les enjeux de demain.

Des managers Achats performants

Classiquement nous travaillons sur les fondamentaux du manager des Achats. A travers des apports théoriques, de multiples études de cas, des simulations sur des cas formatés et des échanges autour des expériences des enseignants et des apprenants qui sont tous en activité pendant la formation. Chaque compétence du manager Achat est abordée successivement, depuis la capacité à savoir embrasser la « Big Picture » jusqu’à la décomposition des coûts, en passant par la gestion des contrats avec les fournisseurs.

La multiplication des exercices permet ici de générer des automatismes mais aussi de leur donner un langage d’acheteur. Ils peuvent ainsi non seulement gagner en performance dans leurs organisations face aux problèmes du quotidien, mais aussi libérer du temps pour faire face à l’imprévu.

Des managers Achats transformants

Et pour faire face à cet imprévu, nous leur proposons d’autres dispositifs. Agir face à l’incertain, au complexe, au volatile et à l’ambiguë s’apprend par l’action, collectivement comme individuellement. Il s’agit ici de mettre nos apprenants face à des problèmes qu’ils n’ont jamais rencontrés. D’abord sur une composante temps – en travaillant sur un exercice nouveau et balisé, mais à gérer dans l’urgence. Puis, ils sont appelés à se projeter dans un futur qui n’existe pas et pour lequel il n’existe pas de solutions, mais qui s’appuient sur des ressources existantes, internes comme externes. Tout en navigant dans le flou, ils identifient les limites des outils vus ailleurs. Ils y apprennent à fabriquer leurs propres outils, leurs propres bases de réflexion, et d’action.

Toute innovation ou transformation ne se faisant jamais seul, toutes ses approches se font en équipe et en lien avec des professionnels externes et les professeurs et intervenants du MAI. La socialisation est au cœur de la formation. La cohésion développée dans chaque promotion se prolonge dans les liens avec les alumnis. Savoir faire appel aux autres et savoir leur répondre présent est une autre source d’agilité apportée à travers le MAI, pendant la formation et après.

Des managers Achats ambidextres

Enfin, ces apprentissages multiples, à la fois cerveau droit et cerveau gauche, ne seraient rien sans la capacité de chacun de savoir distinguer ce qui relève du complexe ou du compliqué, du risque ou de l’incertain, de l’urgent ou du nécessaire. C’est ce qui permet de choisir le mode d’action adéquate. Aussi, une démarche réflexive permet d’identifier ses apprentissages, de les fixer et de faire le tri parmi ceux-ci, mais également de prendre conscience du plaisir qu’ils ont pris à apprendre pendant cette année au MAI.